Que peut faire un marionnettiste déjà considéré comme un maître dans son domaine? Pousser l'audace jusqu'à mettre en scène une marionnette... qui en manipule de plus petites. Ronnie Burkett tente le coup dans Billy Twinkle, Requiem For a Golden Boy, spectacle dont le voyage autour du monde passe par Montréal.

L'art de la marionnette a longtemps été réduit à un divertissement pour enfants à la Guignol. Ronnie Burkett lui-même admet que, lorsqu'il a commencé dans ce métier, il n'entrevoyait pas d'autres débouchés que de se produire dans des écoles, des centres commerciaux et, peut-être, de décrocher un contrat à la télévision. «L'idée de faire partie du vrai théâtre, de jouer des pièces devant un auditoire adulte n'était pas possible», rappelle-t-il.

Ronnie Burkett, qui est originaire de l'Alberta, a déjà travaillé pour la télévision lui aussi. On trouve encore des traces sur l'internet de son implication dans des émissions comme Harriet's Magical Hat et Cinderabbit, auxquelles il a participé avant de fonder sa propre compagnie en 1986. Près de 25 ans plus tard, sa vie a bien changé. Il fait désormais partie de ces rares artistes qui émeuvent et émerveillent les grandes personnes aux quatre coins du monde avec des marionnettes.

Sa renommée internationale, l'artiste canadien la doit d'abord à Tinka's New Dress, spectacle campé dans la Tchécoslovaquie occupée par les nazis. C'est également la pièce qui l'a révélé au public montréalais lors du FTA de 1998. Il revient cette fois avec Billy Twinkle, Requiem for a Golden Boy, où il raconte les déboires d'un brillant marionnettiste oeuvrant sur un bateau de croisière qui perd son boulot pour avoir insulté les spectateurs.

L'histoire de Billy Twinkle n'est pas celle de son créateur. «L'une des réussites du spectacle, c'est que les gens croient que c'est ma vie. Ce qui me fait sourire, puisque la part autobiographique du spectacle est peut-être de 20% et le reste, c'est de la bullshit, rigole le marionnettiste. Je n'ai jamais senti le besoin de raconter ma vie dans mes spectacles.»

D'abord servir le récit

Puisque son personnage Billy Twinkle est un marionnettiste qui crée des spectacles de cabaret, Ronnie Burkett a dû se plonger dans cette esthétique qui ne lui était pas familière. «Je n'avais jamais exploré cet univers», admet le créateur, qui fabrique lui-même ses marionnettes et ses décors («cela fait partie de l'exploration des personnages», dit-il). Son plus grand défi se trouvait toutefois ailleurs: apprendre à manipuler une marionnette à fil qui manipule elle-même d'autres marionnettes à fils!

«Le premier numéro de Billy Twinkle, c'est le personnage qui manipule une marionnette qui fait un striptease burlesque, raconte Ronnie Burkett. C'est la chose la plus difficile que j'aie faite, mais c'est très amusant. La réaction de la foule, quand elle voit une marionnette enlever son soutien-gorge, est hystérique!»

Se donner de tels défis est bien sûr une manière d'aborder son art d'une manière neuve à chaque nouveau spectacle, mais dans ce cas-ci, les prouesses techniques servent d'abord le récit. «Il était très important que les gens comprennent que Billy Twinkle, cet homme d'âge moyen qui perd son boulot, n'est pas mauvais dans son métier. En fait, il est peut-être même le meilleur d'entre tous.»

Ronnie Burkett, au-delà de sa maestria, aborde son art comme une véritable forme de dramaturgie. Raconter des histoires et explorer les possibilités du théâtre lui semble aujourd'hui aussi important que les marionnettes elles-mêmes. «Je suis devenu auteur par accident, dit l'artiste, dont les pièces sont publiées comme celles de n'importe quel dramaturge. Il fallait bien que mes marionnettes disent quelque chose.»

Billy Twinkle, Requiem For A Golden Boy, du 22 avril au 1er mai à la Cinquième salle de la Place des Arts.