Ils n'ont pas été choisis et ils ont la haine. Qu'ils déversent sur Francesca, membre de ce jury qui les a ignorés. «Faites votre propre show et je vous aiderai», réplique la star oubliée.

C'est la trame de J'me voyais déjà, comédie musicale basée non pas sur la vie de Charles Aznavour mais sur l'oeuvre de ce géant (arménien) de la chanson française qui laissera à la postérité plus de 1000 chansons. Avec Katia Aznavour, la fille de, l'humoriste et dramaturge français Laurent Ruquier a choisi dans ce corpus de rêve 43 chansons, des tubes, des méconnues, des oubliées autour desquelles il a écrit un livret «en abîme», c'est-à-dire mettant en scène un récit dans le récit, un show dans le show.

Pierre Légaré signe l'adaptation québécoise de J'me voyais déjà, première production de Musicor Spectacles (Quebecor). «L'oeuvre de Charles Aznavour est intemporelle, mais les personnages de cette comédie musicale vivent ici et maintenant et parlent la langue que l'on parle. Rien de ce que je leur fais dire ne sent l'écrit...» Légaré, bien sûr, s'est concentré sur l'environnement physique et culturel: l'action se passera à Montréal, là même où M. Aznavour - il a aujourd'hui 85 ans - s'est fait connaître à la fin des années 40. «Avec (le pianiste) Pierre Roche, il donnait 11 spectacles par semaine au Faisan doré, sur Saint-Laurent», a rappelé Légaré avant de présenter ceux et celles qui, le printemps venu, travailleront 11 heures par jour pour se mettre à la hauteur de l'oeuvre du grand petit monsieur.

Judith Bérard tiendra le rôle de Francesca, joué dans la production originale française par Diane Tell, vite remplacée par ailleurs à l'automne de 2008. «Non, je n'ai pas sombré dans l'oubli comme Francesca», nous dira Mme Bérard, dont le premier grand rôle a été Jeanne la Pucelle dans la comédie musicale du même nom en 1997. «Moi, le téléphone sonnait mais je ne répondais plus.» En 2002, Judith Bérard a décidé de partir en Italie avec son mari, Romano Musumarra, le compositeur de Cindy (livret de Luc Plamondon) où elle tenait le rôle de Judy.

Danny, lui, a vu neiger mais garde l'espoir de «leur montrer» qu'il a du talent. Frédérick De Grandpré, «complet bleu du dernier chic» comme dans la chanson-titre, n'en manque pas, et il sera le Danny québécois, fin et dur en même temps. Le double lauréat du Félix de l'album Jazz - on peut l'appeler un crooner «si ce n'est pas péjoratif» - est tombé «dans Aznavour» quand il était jeune et interprète encore de ses chansons dans son spectacle, entre autres, une version ragtime de Pour faire une jam: «Aznavour peut être très jazz...»

«Les jeunes élus qui joueront des rôles d'exclus» - Légaré n'en manque pas une! - sont Sarah Dagenais-Hakim, ancienne finaliste de Ma première place des arts, tout comme Élise Cormier, une des Cosette des Miz du Capitole de Québec. Martin Rouette était de la première Star Académie, Hugo Lapierre, on l'a vu dans Prêt pas prêt à TVA et Jean-François Poulin, qui roule sa bosse sur les scènes des casinos depuis 2002, a déjà un CD à son crédit (Lucky).

Mais pourquoi annoncer maintenant une production qui ne prendra l'affiche qu'en octobre? Parce que le disque sort le 23 mars. Et que le premier extrait tourne à la radio depuis hier: Mourir d'aimer, interprété par une Judith Bérard bien en voix. Sarah Dagenais-Hakim, elle, y chante La plus belle pour aller danser, popularisée ici par Michèle Richard. En 1964.

Intemporel, en effet, Aznavour. Et transatlantique.