Au dévoilement du menu du festival Voix d'Amériques, D Kimm nous a présenté Ursula Rucker comme une performeuse qui a du chien, mère monoparentale de quatre enfants. «Je crois qu'être mère me rend plus passionnée pour les sujets qui inspirent mon écriture: la justice, la paix, la vérité...», exprime au bout du fil l'invitée d'honneur de la présentation 2010 de Voix d'Amériques, que nous avons jointe chez elle à Philadelphie.

Ceux qui l'ont vue en spectacle à Voix d'Amériques en 2004, se souviennent encore de cette femme à la peau métissée et aux yeux perçants qui, enceinte jusqu'aux yeux, a livré son groove de poète habitée par la cause des femmes noires d'Amérique.

Refusant l'étiquette d'artiste de spoken word, cette artiste au timbre à la fois rauque et enfantin se résume en trois mots: poète, mère et artiste. «J'ai toujours voulu être une artiste, pendant longtemps, ma passion était de dessiner des portraits. Quand je relis mes vieux journaux intimes, je constate que ce que je cherchais, c'était de trouver ma voix à travers la créativité.»

Au tournant du millénaire, cette voix distinctive et assurée, toujours attachée à ses racines hip-hop, était fort prisée des producteurs d'acid jazz, trip hop et broken beat.

Ayant collaboré avec de nombreux artistes (dont The Roots, The Silent Poets et 4Hero), cette cousine spirituelle de Frida Kahlo, de descendance italienne et afro-américaine, compte à sa feuille de route deux albums solos (Supa Sista sorti en 2001 et Silver or Lead, en 2003).

Se lever et changer le monde

Un de ses héros est Mohammed Ali, qui l'a émue aux larmes la semaine dernière, lors de son passage au spectacle de la télé américaine pour les victimes du séisme en Haïti. Ursula la poète voue une admiration égale à la poète afro-américaine Sonia Sanchez, son ancienne prof qu'elle appelle aussi sa «seconde mère.»

«Parfois, on se sent fatiguée, on n'a plus le goût de continuer à faire de l'art, d'élever des enfants, d'être engagée et d'écrire sur la nécessité de changer le monde et les mentalités. Mais quand je vois quelqu'un comme Sonia qui continue à écrire avec une telle urgence et un tel courage, cela me motive.»

Sur la scène de la Sala Rossa, ce soir, sa voix sera accompagnée en musique par Bernard Falaise. Entre le Montréalais et la poète de Philadelphie, le courant avait passé, lors de leur collaboration à Voix d'Amériques en 2004. «Je garde un si beau souvenir de cette visite, de ma rencontre avec Ann Waldman (qui était l'artiste invitée cette année-là), de la musique de Godspeed à la Sala Rossa. J'ai senti une vraie connexion avec cet endroit.»

Le lendemain de son spectacle solo, Rucker sera aussi de la soirée Body and Soul 7 (qui réunira aussi le duo Mankind, la poète inuit Taqralik Partridge, la musicienne Lisa Gamble et la multiinstrumentaliste Geeta).

Si elle fréquente désormais très peu les scènes de Philadelphie où elle a fait ses débuts en 1994 lors d'une soirée à micro ouvert - «la plupart du temps, je suis à la maison avec les enfants - Ursula Rucker se produit surtout en Europe. «Quand j'ai un gig, c'est généralement de l'autre côté de l'océan», reconnaît-elle.

«J'ai plusieurs voix, plusieurs plateformes pour les exprimer, plusieurs sujets qui me tiennent à coeur. J'aime rester libre, j'aime bouger et aller où je veux.»

Une voix d'Amérique, qui s'en vient réchauffer nos âmes.

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Ursula Rucker se produira ce soir en solo à la Sala Rossa et demain, dans le cadre de la soirée Body and Soul.