L'Espace libre nous plonge dans l'univers du conte. Conte pour adultes. Sans fée clochette, mais avec des princesses. Une forme de voyage ou de détour pour aborder des questions plus terre-à-terre comme le legs, l'amour et la fratrie. Avec humour, bien sûr.

On le connaît comme auteur de pièces destinées aux tout-petits. Kobold!, Les petits orteils, Glouglou, c'est lui. Mais Louis-Dominique Lavigne, qui a cofondé le Théâtre de quartier avec Lise Gionet il y a près de 30 ans, n'écrit pas que pour les enfants.

À preuve, cet Amour incurable, inspiré d'une légende du Saguenay, mis en scène par Ghyslain Filion, qui a aussi signé l'an dernier la mise en scène de Bobby ou le vertige du sens - un monologue sur la place du père dans notre société.

Depuis sa lecture publique en 2005, dans le cadre de la Semaine de la dramaturgie, L'amour incurable a suivi le long processus de création qui l'a mené jusque sur les planches d'Espace libre. Ghyslain Filion l'avoue d'emblée: il a fallu être persévérant.

Le directeur artistique de l'Option théâtre au collège Lionel-Groulx aime l'univers onirique de l'auteur. «Louis-Dominique amène le spectacteur dans des zones un peu étranges. Il aime surprendre. La structure du texte est celle du conte. Le conte initiatique, où l'on traverse des épreuves pour en arriver à un résultat qui n'est pas celui auquel on s'attendait.»

En quelques mots, L'amour incurable met en scène un père et ses trois fils. Ils habitent une ferme. La maman est morte depuis peut-être quelques mois. Les garçons sont un peu dépourvus. C'est dans ce contexte que débute leur quête, initiée par le père, interprété par Robert Lalonde.

«Le père leur lance des défis, allez me chercher ceci, allez me chercher cela, pour qu'ils se déniaisent, précise Robert Lalonde au cours d'une interview. Ces gars-là sont naïfs, ils ne sont jamais sortis de leur ferme. Le père veut qu'ils découvrent la vie. Le vrai but de la pièce, c'est la transmission de quelque chose.»

Écrit dans une langue à la fois poétique et réaliste, le texte de Louis-Dominique Lavigne demeure intemporel. «Le temps est élastique, nous dit Ghyslain Filion. Comme dans tous les contes, d'ailleurs. Il peut se passer plusieurs heures entre deux répliques. Et puis, on ne fait pas appel à un mode de jeu psychologique. C'est dans la parole que se révèle l'émotion des personnages.»

Bien que morte, Ghyslain Filion tenait à ce qu'on ressente la présence de la mère. Ou, à tout le moins, une présence féminine, qui ferait cheminer les garçons, notamment dans l'expression de leurs sentiments. D'où les princesses (Annie Berthiaume et Sarah Dagenais-Hakim), qui ne sont pas conseillères, mais qui donnent un souffle féminin aux personnages.

Pour camper les rôles des garçons (interprétés par Étienne Pilon, Jean Turcotte et Sébastien Gauthier), Ghyslain Filion voulait mettre en scène des personnages plus vieux. Des hommes dans la trentaine ou la quarantaine. «Je trouve que le contraste est plus fort encore lorsqu'on voit des hommes s'engager dans cette quête.»

Et puis, il y a les invraisemblances du texte qu'il a bien fallu placer sur scène. Le vent, une paire de mains, un chien, une chatte. «Dans le conte, les personnages ne s'étonnent pas de ces rencontres invraisemblables. Ils s'étonnent des nouvelles émotions qu'ils vivent», nous dit encore le metteur en scène.

«Il y a quelque chose de zen dans la pièce de Louis-Dominique. Il y a cette magie d'accepter la transformation, même si on ne connaît pas le résultat, conclut Robert Lalonde. Au fond, si on essaie d'épouser ce qui nous résiste dans la vie, il est possible de découvrir l'autre partie de nous qu'on ne connaît pas.»

L'amour incurable, du Théâtre Les trois arcs, à Espace libre jusqu'au 13 février.