De son oeuvre, on retient Joe, c'est bien évident. Mais en reconstruisant Continental (1973), Huit minutes (1982) et Dernière paille (1977), trois productions du Groupe de la Place Royale, la Fondation Jean-Pierre Perreault révèle un pan de l'histoire de la danse contemporaine au Québec, tout en honorant un devoir de mémoire à l'égard du chorégraphe disparu en 2002.

Cette «soirée Jean-Pierre Perreault», en plus d'être un exercice chorégraphique pour 26 étudiants de l'UQAM, met en lumière un travail chorégraphique précurseur. «Jean-Pierre a inspiré des gens, par son authenticité, son intensité dans le travail, sa volonté de transmettre le désir de danser», témoigne Ginelle Chagnon, directrice du projet, qui a été une proche collaboratrice de Perreault.

 

Ayant devant elle 26 danseurs en formation (25 filles et un seul garçon!), Ginelle Chagnon a pris certaines libertés pour s'approprier les pièces choisies. Continental, partition pour trois femmes créée en 1973, a été remaniée en oeuvre pour un grand groupe de femmes. «Je sais très bien que les gens vont se demander pourquoi. Mais pourquoi pas? Quand on connaît assez bien la matière, on peut se permettre d'adapter le répertoire de cette façon.»

À son unique danseur masculin, Ginelle Chagnon a confié Huit minutes, pièce créée en 1982 pour Daniel Soulières. Après consultation auprès du danseur, qui détenait encore des informations clés sur cette chorégraphie, Chagnon a décidé de dédoubler ce solo, qui sera cette fois-ci rendu en alternance par un homme et une femme. «J'ai pris une petite permission. Mais la pièce est reconstruite de façon intégrale avec toutes les consignes de temps et le respect des costumes.»

Ginelle Chagnon a complété ce programme Perreault avec Dernière paille, pièce de 1977 qui, à son avis, annonce la suite de l'oeuvre du créateur de Joe. «C'est une pièce où Jean-Pierre commence à se défaire de ses lignes de danseur classique. Le matériau est presque unisexe, comme dans Joe. Des femmes et des hommes sont vêtus du même costume, qui camoufle le corps. On est au début d'un regard sur le corps humain.»

Apprendre en dansant

Plusieurs des jeunes interprètes de cette Soirée Jean-Pierre Perreault n'ont jamais vu une oeuvre du chorégraphe. Normal, puisque la majorité de ces étudiants du cours Spectacle chorégraphique II étaient de jeunes ados quand Perreault s'est éteint en 2002.

Ginelle Chagnon estime que de faire vivre la gestuelle Perreault à ces jeunes danseurs est le plus formidable des outils pédagogiques. Mieux que de regarder des vidéos d'archives, s'approprier ces mouvements est la meilleure façon de leur faire connaître la démarche de celui qui travaillait à la manière d'un sculpteur.

«Danser Perreault laisse des marques psychologiques et physiques profondes», indique la directrice du projet, qui a invité plusieurs collaborateurs du chorégraphe (Daniel Soulières, Tassy Teekman, Christine Charles, etc.) à partager avec les étudiants leur expérience avec Perreault. Lors de cette soirée, on pourra aussi voir des photos de l'artiste Robert Etcheverry, prises au cours de ses nombreuses années de collaboration avec Jean-Pierre Perreault.

«Pour moi, c'est beau d'archiver des oeuvres et de les mettre dans des boîtes, mais il faut aussi les rendre vivantes. On n'a pas besoin de remonter Joe chaque fois qu'on veut faire du Perreault. On peut aussi revisiter son répertoire de manière plus simple, mais très touchante», ajoute Mme Chagnon, celle qui a vu Les Bessons, la toute première pièce de Jean-Pierre Perreault, alors qu'elle était danseuse aux Grands Ballets, en 1972. Après une première rencontre professionnelle en 1984, Chagnon et Perreault se sont retrouvés en 1993 pour la production La Vita. «À partir de ce moment-là, on est restés ensemble. Avec lui, j'ai appris beaucoup de choses.»

Soirée Jean-Pierre Perreault, du 16 au 19 décembre à 20h, au studio de l'Agora de la danse.