À l'occasion du 25e anniversaire du Cirque du Soleil, un nouveau livre rend hommage à ceux qui fabriquent les costumes flamboyants de la compagnie. Visite guidée du très vaste atelier de costumes de l'institution montréalaise.

Depuis 25 ans, quelque 25 000 pièces sont sorties de l'atelier de costumes du Cirque du Soleil. Une véritable usine où 400 artisans aux talents variés donnent corps aux créations d'une dizaine de concepteurs.

À voir une perruquière enfiler un à un des cheveux ou une dentelière fabriquer au crochet ou au fuseau la dentelle des vieux oiseaux d'Alegria, on entrevoit le travail colossal qui se cache derrière chaque production du Cirque du Soleil. Une seule perruque peut nécessiter de 2 à 5 jours de travail. Parfois même jusqu'à trois semaines!

Et ce n'est que le couvre-chef. «On fabrique tout, de la tête aux pieds», explique Francine Desrosiers, spécialiste costumes depuis 1993. Tout, cela veut dire aussi teindre le tissu, le peindre par différentes techniques - à l'éponge, au pinceau ou en sérigraphie. Le tailler, le coudre. Ajouter appliques, dentelles, perles et accessoires. Mouler des masques et chapeaux sur mesure dans des matières empruntées parfois au matériel orthopédique. Créer de toutes pièces des chaussures souples comme celles des ballerines ou alors recouvrir des chaussures de sport de façon spectaculaire.

Il faut aussi entreposer les «recettes» des tissus et les patrons des costumes. Car ces chaussures et vêtements sont faits pour danser, sauter et se contorsionner, littéralement. Tout cela s'use et doit être remplacé régulièrement, aux trois mois ou chaque année, selon les numéros.

C'est de la haute couture, mais avec des exigences de sécurité, de confort et de durabilité toutes particulières. Ces vêtements doivent être «aussi spectaculaires que des robes de bal, aussi résistants que des salopettes de mécanicien et aussi souples que des gants de chirurgien». De faux nus sont peints à l'aérographe pour Zumanity, des tatouages imprimés sur du nylon extensible teints de la couleur de la peau de chaque archer de Kà.

Lorsqu'il arrive au Cirque, chaque artiste traverse au moins trois passages obligés: il se fait mouler le crâne entier dans le plâtre, il se fait mesurer de pied en cap (près d'une centaine de mesures!) et il s'astreint à une première séance d'essayage. Ainsi, on observe ici et là dans l'atelier de curieuses enfilades de crânes, où on peut reconnaître les visages des acrobates.

Une fois le costume créé et testé en studio, il doit aussi passer le test du chapiteau. Les performances changent et s'intensifient avec le temps. Il faut faire des ajustements, parfois pendant un an ou deux. Rendre moins glissant un tissu, raccourcir ou allonger une manche. «La créativité de tous les artisans est mise à contribution», souligne Francine Desrosiers.

Le spectacle aquatique O a particulièrement mis les costumes - et leurs artisans - à l'épreuve. Pour qu'ils résistent aux éléments chimiques contenus dans l'eau, les costumes devaient être faits de matériaux durables tout en épousant le corps et séchant rapidement. Les experts du Cirque ont conçu un apprêt au silicone qui a été appliqué sur 40% des costumes.

Le «magasin», sorte de caverne d'Ali Baba à rendre dingue tout apprenti bricoleur, regorge de fils et de rubans de toutes les couleurs, d'oeillets, d'agrafes, de galons dorés ou pas, de plumes, de tissus et matériaux de toutes sortes. Toute la splendeur des costumes en pièces détachées.

À l'époque où les premiers costumes étaient taillés sur des tables de cuisine, ou dans un sous-sol exigu du Vieux-Montréal, le Cirque s'approvisionnait encore avec des tissus commerciaux. Mais la mode change. Les petits pois et le velours extensible, populaires une année, disparaissent la saison suivante, explique Francine Desrosiers. Et pour préserver l'intégrité des oeuvres, on se doit de reproduire fidèlement les costumes. Le Cirque a donc commencé à traiter lui-même les tissus, qui lui arrivent généralement blancs.

L'atelier dispose également d'un centre de documentation, où les créateurs vont s'informer sur Elvis, les Beatles, ou les effets créés par le vent dans le désert du Sahara, qu'on tentera de reproduire ensuite sur du tissu. De même, l'équipe de recherche et développement de la «mathériauthèque» travaille à pousser plus loin les possibilités des matériaux: fibres résistantes à l'eau, ignifuges, phosphorescentes ou alors qui changent de couleur à la lumière.

Avec abondance de photos, le livre publié cette semaine rend hommage aux nombreux artisans, mais aussi aux concepteurs de costumes des 25 spectacles créés par le Cirque du Soleil (Thierry Mugler, Michel Robidas, Marie-Chantale Vaillancourt). On y redécouvre entre autres le travail de la très prolifique Dominique Lemieux, qui a donné au cirque sa signature visuelle en créant les costumes de neuf spectacles entre 1990 et 1998 (Saltimbanco, Alegria, O, Quidam, etc.) Elle avait auparavant été l'assistante de François Barbeau, un des grands créateurs de costumes québécois, qui a d'ailleurs signé les costumes des spectacles Dralion et Wintuk.

Que serait le Cirque du Soleil sans tous ses costumes fous et fabuleux?

Cirque du Soleil, 25 ans de costumes

Éditions La Presse

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