Le biologiste et cinéaste Jean Lemire et l'homme de théâtre Dominic Champagne préparent un spectacle musical unique sur le thème de l'environnement avec des collaborateurs prestigieux dont Daniel Bélanger. Conversation avec deux passionnés sur les vertus et les pièges de ce Paradis perdu qu'ils tiennent à bout de bras depuis trois ans.

Le spectacle Paradis perdu, qui s'installera au Théâtre Maisonneuve à la fin janvier 2010, est le fruit de la rencontre fortuite du biologiste et cinéaste Jean Lemire et de l'homme de théâtre Dominic Champagne.

Par une soirée pluvieuse de janvier 2007, les deux hommes, qui ne se connaissent pas, participent au gala Excellence La Presse/Radio-Canada où ils seront tous deux honorés. Lemire va saluer Champagne et lui parle d'une idée de spectacle sur l'environnement. Le projet prend forme au fil de rencontres subséquentes. L'été venu, Champagne s'isole pendant quelques mois et accouche d'un texte à partir de leurs idées et d'un scénario de film de Lemire.

«J'ai eu une aventure de création extraordinaire avec les Beatles (le spectacle LOVE du Cirque du Soleil), avec des moyens énormes et un thème et une matière poétique exceptionnelles, raconte Champagne. Je me suis exilé à Las Vegas pendant plusieurs mois, sans ma famille, pour créer ce show-là. En parallèle, Jean vivait une autre sorte de voyage extrême, d'exil (sur le Sedna IV, dans l'Antarctique). J'étais mandaté par George Harrison et Guy Laliberté pour faire renaître l'esprit du Peace and Love, j'étais fier d'être l'apôtre de cette utopie, mais je vivais cette expérience à Las Vegas, qui est une catastrophe écologique. Chaque matin, je voyais le nuage orange dans lequel j'allais travailler. Je ne suis pas un écologiste, je ne suis pas un militant de l'environnement, mais je vivais difficilement ce paradoxe-là.»

Rentré au Québec, Champagne a passé un été à planter des arbres, pour sortir «du factice, de la gloriole». C'est à ce moment précis qu'il s'est rendu compte que le film L'homme qui plantait des arbres de Frédéric Back l'avait marqué plus qu'il ne le croyait. «Quand on s'est mis à rêver, Jean et moi, de ce que pourrait être le show, je lui ai dit que je voudrais qu'il ait le même effet sur le spectateur que ce film a eu sur moi.»

Le soldat jardinier

Paradis perdu met en scène un soldat errant, le dernier homme sur Terre, qui s'apprête à mourir. Une voix lui demande ce qu'il ferait s'il avait le pouvoir de tout faire renaître. Dès lors, le public entre littéralement dans le dernier rêve d'un homme sur Terre.

«Les gens vont être heurtés, provoqués, ils vont vivre une fin du monde, dit Champagne. Quand ça renaît, il faut aussi que ça soit fort, sinon on a un problème.»

«On est tous soldats et on est tous jardiniers, ajoute Lemire. On peut vouloir parler de la cause environnementale, mais comment l'amener? C'est un peu usé. Je suis un peu coupable parce que j'en ai parlé beaucoup, ça coule maintenant sur le dos des gens.»

Lemire a donc beaucoup insisté sur la facture visuelle du spectacle. Les deux créateurs ont recruté le maître scénographe Michel Crête et sont tombés sur un petit génie de la vidéo, Olivier Goulet, qui leur offre des possibilités qu'ils ne soupçonnaient pas pour meubler leurs trois écrans.

«Je ne veux pas prétendre que notre truc est super original, mais on va proposer quelque chose d'unique dans ce spectacle au carrefour de toutes sortes de genres (musique, théâtre, danse, vidéo), qui va avoir son identité visuelle propre, dit Champagne. On ne prétend pas non plus qu'on va changer le monde. J'ai vu tous les documentaires qui se sont penchés sur l'environnement depuis 10 ans, et je pense que notre contribution est originale, elle a sa place.»

Daniel Bélanger a écrit la musique de ce spectacle qui n'est pas une comédie musicale, et Giles Martin, le fils de George, réalisateur des albums des Beatles, a composé des musiques complémentaires proches du jazz. Chose certaine, il n'y aura sur scène ni musiciens ni chanteurs, uniquement cinq personnages, dont une danseuse.

Lemire et Champagne coproduisent eux-mêmes Paradis perdu. Mais ils ont trouvé des partenaires aussi enthousiastes et généreux que leurs collaborateurs artistiques et ils sont particulièrement fiers de leur association avec le secrétariat de la convention sur la diversité biologique de l'ONU, établi à Montréal, d'autant plus que 2010 sera l'année internationale de la biodiversité.

«Il n'y a pas un producteur assez fou pour s'embarquer là-dedans, ça tient un peu du délire cette opération-là, dit Champagne. On n'a pas les moyens du Cirque du Soleil, mais la beauté de la chose, c'est que le talent est comparable.»

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Paradis perdu, au Théâtre Maisonneuve, du 26 janvier au 6 février 2010. Billets en vente à la Place des Arts.