Légende du théâtre en langue allemande, dont il a dynamité les règles de mise en scène depuis les années 1960, Peter Zadek, mort à 83 ans dans la nuit de mercredi à jeudi, était devenu en un demi-siècle de théâtre une figure centrale de la création contemporaine.

«Si les Hommes n'avaient pas d'imagination, ce serait tellement ennuyeux, ils seraient comme des animaux», a-t-il déclaré dans un livre d'entretiens avec le critique de théâtre Klaus Dermutz.

C'est bardé de cette «imagination» que ce metteur en scène allemand né de parents juifs à Berlin en 1926, nourri à Shakespeare, a dynamité les classiques.

Il a fait jouer Hamlet à une femme, alternait pièces musicales et théâtre de boulevard, et refusait toujours avec obstination la tradition.

Peter Zadek, émigré en 1933 avec ses parents en Grande-Bretagne, à la suite de la prise du pouvoir d'Hitler en Allemagne, est resté toute sa vie un amoureux du théâtre anglais.

A Oxford et à Londres, il s'y est initié à la mise en scène, et y a assisté à sa première représentation d'une pièce de Shakespeare, un Othello mis en scène par Nevill Coghill, qu'il admire.

Zadek, élève au Old Vic Theater de Londres, a par la suite mis en scène Shakespeare, qu'il considérait comme «un politicien visionnaire de l'Europe», une vingtaine de fois, à Brême, Vienne ou Bochum.

Revenu en Allemagne en 1958, où il trouve le théâtre «bûté, rhétorique, passé de mode», il s'installe à Brême. Sont ensuite venus Bochum, dont il prend la direction en 1972, puis le Deutsches Schauspielhaus à Hambourg (nord de l'Allemagne), qu'il a dirigé de 1985 à 1989.

Il a été membre de la Direction du Berliner Ensemble de 1992 à 1994.

Ses interprétations très sensibles des pièces du Norvégien Ibsen ou du dramaturge russe Anton Tchekhov - «Ivanov» et «La Cerisaie» - sont devenues légendaires.

Révolutionnaire sur les planches, Zadek n'a pourtant «jamais cru à la révolte de 1968», qu'il a filmée dans un lycée de Brême pour «Ich bin ein Elephant, Madame», ses débuts dans le cinéma, sur une musique du Velvet Underground.

Son théâtre «anarchique», dans lequel les acteurs évoluent en liberté, est à l'opposé des représentations calculées au millimètre de l'autre grand «Peter» de la scène allemande, Peter Stein.

«Les Allemands ne sont pas un peuple révolutionnaire. Quand ils ont atteint le but fixé, ça leur suffit», estimait Peter Zadek, régulièrement étrillé par certains critiques allemands.

Plus de quatre décennies de théâtre n'ont pas érodé le goût de Zadek pour la transgression: il a monté en 1999 à Strasbourg une version d'Hamlet avec la comédienne Angela Winkler dans le rôle titre.

Son dernier spectacle fut un «Major Barbara» de George Bernard Shaw, en février à Zurich (Suisse), avec trois stars de la scène germanophone, Julia Jentsch, August Diehl et Jutta Lampe.

Il a également tourné de nombreux films pour la télévision.

Peter Zadek est mort dans un hôpital de Hambourg des suites d'une longue maladie.