Depuis mardi dernier, la petite ville d'Avignon a revêtu ses annuels habits de Mecque de la création scénique contemporaine. Jusqu'au 29 juillet, la Cité des Papes offrira à voir des créations d'artistes consacrés. Une brise québécoise soufflera aussi sur Avignon, sous l'influence de Wajdi Mouawad, «artiste-associé» de ce 63e Festival, qui sera sur tous les fronts pendant ces trois semaines.

Petit bain de foule, pour commencer, dans le coeur du Festival d'Avignon. Chaque millimètre des murs de la rue de la République est placardé d'une affiche de spectacle. En marchant sur ce joli boulevard qui culmine jusqu'à la place du Palais, on devient la cible de distributeurs de tracts qui font l'autopromotion de leur spectacle. La langueur du sud de la France cohabite avec la fièvre festivalière.

Rien d'inhabituel, pour le plus couru des festivals de théâtre dans le monde francophone. «Aujourd'hui, le Festival d'Avignon est devenu le moment phare de la création pour les arts de la scène», soutient Vincent Baudriller, codirecteur artistique du festival (avec Hortense Archambault).

Or, en s'imprégnant de l'ambiance avignonnaise, on ressent une drôle d'impression de déjà-vu québécois. Ce sont peut-être les traits de Lino - qui signe l'illustration du festival - qui donnent cet effet-là. Et quand tout le monde dans le café où l'on traîne ne parle que de Wajdi Mouawad ou de Denis Marleau, on se sent soudain en territoire familier...

Au cas où vous l'ignoreriez encore, 2009 est l'année Wajdi Mouawad à Avignon. Le gros événement inaugural du festival a été la présentation en rafale (11 heures!) de Littoral, Incendies et Forêts, sur la plus prestigieuse des scènes avignonnaises: la Cour d'honneur du palais des Papes.

Le lieu est mythique et d'une beauté saisissante. En 63 ans, la Cour a été l'hôte de spectacles qui ont fait époque. Dans les années 70, Bob Wilson y montait Einstein on the Beach, Ariane Mnouchkine offrait son Méphisto et Peter Brook y créait La Conférence des oiseaux.

Cette année, c'est au tour de Mouawad de connaître la consécration avignonnaise, notamment auprès d'un public jeune et branché, qui en a fait une star en France.

En plus de prendre part à de nombreuses conférences, celui que tout le monde prénomme Wajdi dévoilera aussi Ciels, la quatrième partie de sa tétralogie Le Sang des promesses.

«La première pièce de Wajdi que j'ai vue, c'était Littoral, qui était présentée à Avignon en 1999», raconte Vincent Baudriller, qui dit apprécier chez l'artiste libano-québécois «sa façon d'utiliser le récit pour parler du monde et de sa violence».

Depuis l'entrée en poste de Vincent Baudriller et Hortense Archambault, en 2004, le Festival d'Avignon invite un artiste à teinter l'événement de sa vision du théâtre. Mouawad, qui succède à Thomas Ostermeier, Jan Fabre, Josef Nadj, Frédéric Fisbach, Romeo Castellucci et Valérie Dréville, traduit le désir des codirecteurs de mettre l'accent sur l'importance, chez les êtres humains, de se raconter des histoires.

«Wajdi nous permet d'ouvrir une porte sur des sujets qui l'ont marqué: l'expérience de la guerre, l'exil, le déplacement du Liban en France, jusqu'au Québec», précise Vincent Baudriller, qui refuse toutefois de qualifier la mouture 2009 d'Avignon «d'année québécoise».

Denis Marleau, un habitué du festival, dévoilera au public avignonnais sa production «technologique» d'Une fête pour Boris de Thomas Bernhard. Pendant ces trois semaines de théâtre contemporain, les festivaliers découvriront aussi le travail du jeune metteur en scène et auteur Christian Lapointe (qui présente C.H.S.), de la poète Renée Gagnon, du cinéaste Rodrigue Jean et du chorégraphe Dave St-Pierre (qui y reprend La pornographie des âmes).

«Ce qui est très beau au festival, c'est le mélange des générations», souligne Vincent Baudriller, qui indique que le public d'Avignon a rajeuni de 15 % en moins de 25 ans.

Cette présentation 2009 est aussi très «cinéma», avec notamment la présence de Christophe Honoré, et celle de Jeanne Moreau et Amos Gitai (qui y présenteront La Guerre des fils). Le documentariste québécois Rodrigue Jean fera connaître son travail au public avignonnais.

Pendant ce temps, sur les scènes, Dave St-Pierre et Christophe Lapointe se mêleront aux Pippl Delbono, Claude Régy et Maguy Marin. Dans le sillon de Wajdi, un nouveau souffle québécois prend vie à Avignon.