C'était en août 2007 à Édimbourg. Pendant 12 heures, j'avais la mission de suivre Gilbert Rozon dans ses nombreuses tribulations au Fringe. Je l'ai vu «brasser des affaires» avec ses copains british et américains (le Just for Laughs de Chicago était dans l'air) mais, surtout, j'ai tenté l'impossible: accompagner Monsieur Juste pour rire dans tous les spectacles auxquels il assistait, cette journée-là. À 2h30 du matin, lorsque lui et sa bande m'ont proposé de les suivre dans je ne sais plus quel cabaret underground, j'ai rendu les armes.

Toujours est-il que pendant cette instructive journée, Rozon m'a communiqué son amour du Festival d'Édimbourg, giga-événement artistique qui, chaque mois d'août, réunit une quinzaine de festivals et transforme la ville en gros party.

 

Et dans ce même élan d'enthousiasme, le king de l'humour québécois m'a confié son souhait de reproduire un Fringe à Montréal. Bien gentiment, je lui ai fait remarquer qu'un Fringe montréalais, il y en avait déjà un, et bien garni par-dessus le marché, depuis 1994...

Remarquez, je le comprends un peu. Malgré ses efforts pour franciser sa programmation, le Fringe a toujours eu une couleur très «anglo de la Main». Même qu'une copine me confiait dernièrement y avoir déjà subi une pièce qui racontait le sort cruel d'un groupe de hipsters du Mile-End rescapés d'une catastrophe écologique...

En vérité, le fait que Juste pour rire ignore (consciemment ou pas) l'existence du Fringe me faisait penser à cet ami anglo, établi depuis 20 ans à Montréal, qui adore le cinéma français, mais ne savait pas qui étaient Janette Bertrand et Francine Grimaldi.

Quand arrive le printemps et que se talonnent le Jamais lu, le FTA, l'OFF.T.A., le Fringe, le Festival de théâtre de rue de Lachine, le Juste pour rire et bientôt le Festival de Cirque (sans compter le Jazz, les Francos, etc.), je me demande si toutes les bonnes gens qui dirigent ces manifestations ne devraient pas s'allier dans le but de créer une sorte d'impulsion.

À Édimbourg, cela a fonctionné. Les têtes dirigeantes du Fringe, du Festival International de théâtre, du Festival de littérature et de la douzaine d'autres festivals ont trouvé le moyen de s'entendre et de conserver leur identité. Pas qu'ils soient plus fins que nous. Simplement, chacun a compris qu'il avait quelque chose à gagner d'une ville qui se remplit de touristes, de journalistes et d'artistes cosmopolites de la fin juillet au début septembre. Et peut-être, surtout, ont-ils tous compris que le Festival de jazz n'avait pas la même expertise que le Fringe, et que c'était très bien ainsi... Sans «Quartier des spectacles», avec une petite dizaine de salles, Édimbourg devient chaque été une chaotique Mecque des arts de la scène. Les moindres églises, espaces verts, salles communautaires et toilettes publiques se transforment en scènes.

Montréal peut-il devenir Édimbourg? C'est probablement le voeu de Gilbert Rozon qui, la semaine dernière, annonçait la naissance de son nouveau festival inspiré du Fringe d'Édimbourg, axé sur les découvertes en humour, en danse, en cirque et en théâtre.

Après un gros mois de FTA, OFF.T.A., de Fringe et autres festivals de théâtre yiddish et anarchistes, cela commence à faire beaucoup, vous ne trouvez pas? Un mot: parlez-vous, chers directeurs de festivals. Et si vous ne vous connaissez pas, faites-moi signe. Un peu comme je l'ai fait avec mon ami anglo qui ne connaissait pas Janette Bertrand, je me ferai un plaisir de vous présenter les uns aux autres...

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