Roberto Benigni aime les femmes. Ou plutôt, la femme. Cet amour traverse ses films La vie est belle et Le petit diable. Avec sa lecture de la Divine comédie de Dante, présentée hier et aujourd'hui au Théâtre Saint-Denis, il porte ce sentiment encore plus haut.

«Si nous existons, c'est parce qu'une femme a dit oui», s'estil exalté hier soir, après avoir raconté l'amour de Dieu pour Marie. Amour tellement grand qu'il a envoyé un ami, l'archange Gabriel, de peur que Marie le rejette et refuse de porter son enfant. «Pensez à la beauté, à la fragilité d'une jeune femme de 16 ans de Nazareth. Dieu s'est perdu dans ses yeux.»

 

La lecture du cinquième chant de l'Enfer de la Divine comédie, une oeuvre du XIVe siècle, était richement entrecoupée de réflexions sur la sexualité, l'amour, les femmes, Dieu et Jésus, et les nombreuses innovations littéraires du Toscan Dante Alighieri. Benigni, qui fait le tour du monde avec son spectacle littéraire, a fini la séance avec une lecture sentie des vers dans l'italien original (la séance de ce soir mélangera le français et l'italien, avec des surtitres pour la récitation à la fin).

Le célèbre comédien italien a commencé la soirée en lion, avec une vingtaine de minutes de blagues dont l'essentiel tournait autour de Silvio Berlusconi, le premier ministre italien qui est dans l'embarras parce qu'il a récemment assisté au 18e anniversaire d'une starlette qui pourrait avoir été sa maîtresse du moins, la relation est assez ambiguë pour que son épouse demande le divorce.

«Il les a attendus, ces 18 ans! Cinq, quatre, trois, deux, un, enfin on peut y aller!»

Benigni a aussi évoqué les nombreuses fuites de transcriptions d'écoutes téléphoniques dans les médias italiens, qui ont mis dans l'embarras des personnalités qui ont tenu des propos scabreux. Le roi d'Italie a notamment demandé, dès son retour historique en Italie, des prostituées «qui ne coûtent pas trop cher «. «Je m'attendrais à ce que mon roi soit plus royal, qu'il dise au diable la dépense «, a dit Benigni, qui a aussi eu des bons mots sur le français québécois, la Petite Italie et Anjou (à cause de sa population italophone), en plus de prononcer parfaitement «tsé veux dire «.

L'avalanche de plaisanteries parfois vulgaires mais toujours innocentes, caractéristique du style de Benigni, a séduit le public, permettant ensuite à la séance de critique littéraire enflammée de trouver des oreilles réceptives.

Le cinquième chant décortiqué hier soir évoque les péchés de luxure, avec deux grandes catégories : la luxure pure et simple et les gens qui sont morts par amour. À l'école italienne, l'Enfer de Dante est justement lu en cinquième secondaire, un âge où ces sentiments absolus ont de la résonance. Dans la première catégorie, la reine de Babylone Sémiramis, «qui pour calmer une émeute lors d'une famine s'est montrée à son peuple nue», a expliqué Benigni de façon très imagée. La seconde mettait en vedette Paolo et Francesca, amants adultères assassinés à Ravenne par le frère de Paolo et époux de Francesca, qui ont succombé à la passion en lisant l'histoire de Lancelot et Guenièvre, un autre amour adultère.

«Le vrai amour n'est jamais perdu», a clamé Benigni, à la fin d'un parallèle entre la Francesca de la Divine comédie et une parabole du Nouveau Testament. Une pluie d'applaudissements a interrompu son cours magistral. Même quand il est sérieux, Roberto Benigni, l'éternel adolescent romantique, conquiert nos coeurs.