Lady GaGa. Admettez que c'est un nom de scène débile. Et que dire de son succès Just Dance? De la pop-dance à numéros qui a le malheur de s'infiltrer entre nos deux oreilles et d'y rester un peu trop longtemps pour le bien de notre santé mentale. Son concert à guichets fermés au Métropolis? Ben, il nous a jeté sur le derrière. Pour une raison, alors là, totalement insoupçonnée.

Le week-end qui vient de se terminer fut celui de Lady GaGa. La starlette dance-pop à la coiffure platine et aux lunettes fumées clinquantes s'est offert la tournée (promo) des grands ducs: un saut au HMV du centre-ville relayé en direct par CKOI et capté par Musique Plus, concert dans un Métropolis bondé, visite aux star-académiciens (ceux d'American Idol auront sa visite dans quelques jours)...

La toute première tournée de Lady GaGa, le Fame Ball Tour, qui traîne dans son sillage trois jeunes groupes en première partie (Cinema Bizarre, Chester French et The White Tie Affair), est une affaire ambitieuse conçue avec des moyens limités. Une version à très petite échelle du «cirque» de Britney Spears, mais qui expose une artiste affamée, vraisemblablement déterminée à prendre sa place au firmament de la variété dance.

Son tour de chant s'ouvre par la projection d'un court film intitulé Who Shot Candy Warhol - un autre personnage pour celle que sa maman appelle Stefani Germanotta. Voilà qui donne le ton au spectacle, par une association facile avec le maître du Pop Art: le thème de la célébrité est au coeur de l'album The Fame, et le personnage de Lady GaGa lui-même joue sur la prépondérance de l'image sur le contenu. Vue sous cet angle, la starlette passe elle-même pour une «expérience» de pop-consommation, l'application pratique des fameuses 15 minutes de gloire de Warhol.

Ça démarre avec l'interprétation de Paparazzi, la Lady sur un petit piédestal, encerclée de panneaux métalliques. Ses danseurs déplaceront les panneaux (et reviendront plus tard avec trois panneaux vidéo LED) pour nous faire découvrir la blonde chanteuse dans une robe-concept qui met en valeur ses jambes et sa petite culotte.

En plus des trois danseurs, un seul musicien sur scène, DJ Space Cowboy. Il se passera une fois une guitare électrique au cou. Le reste du temps, il s'applique à déclencher les séquences instrumentales sur lesquelles chante la Lady en dansant - c'est carrément un ruban qui défile et une Lady qui chante par-dessus pendant presque toutes les 80 minutes du concert.

Les chorégraphies semblent plutôt réussies, comme les chansons, d'ailleurs. Toutes composées par Lady GaGa, elles n'amènent rien de bien neuf et s'inspirent parfois clairement de vieux succès dance des années 80 et 90. Dans le genre, pourtant, elles sont tellement accrocheuses qu'on en reste hébété. De gros refrains si sucrés qu'ils nous rendent, heu, bêtement gaga.

Elle chante aussi...

Ainsi défilent les trois premiers quarts du spectacle, entrecoupés de courts intervalles vidéo sans grande profondeur qui donnent le temps à la chanteuse de changer de tenue. Or, après l'un de ces changements, GaGa revient en soufflant des bulles de savon sur scène pour s'approcher d'un piano électrique qu'on y a poussé. Et ça dérape. Royalement. Heureusement.

Ce qu'on découvre nous scie en deux. Lady GaGa discute d'abord avec ses fans. C'est interminable, ça casse le rythme, elle n'en peut plus de nous dire merci et qu'elle nous aime. Bon, c'était son 23e anniversaire, sa famille était au Métropolis, alors on lui pardonne ces flagorneries. Elle se met ensuite au piano, pour une version forcément dépouillée de Poker Face (qu'elle reprendra au rappel). Puis une nouvelle composition, Future Love. Une ballade rhythm&blues classique juste un peu salace.

Voyez-vous ça: Lady GaGa sait chanter. Je veux dire: elle sait tellement chanter qu'elle pourrait tout d'un coup nous faire oublier Amy Winehouse. Une voix forte, cuivrée, un timbre de blues, un vibrato pas forçant ni forcé, de la passion et de la personnalité. Ça frappe: GaGa n'est pas Britney. Ni Fergie, ni Gwen, ni Christina. Et c'est sa chanson, aussi - un coup d'oeil sur sa bio nous apprend que, élève douée dans une école de musique réputée de New York, elle a commencé à 18 ou 19 ans à écrire des tubes pour Britney, Fergie et les Pussycat Dolls.

Derrière le strass, les paillettes, les lunettes, derrière les niaiseries dance-pop et le concept vaseux de célébrité emprunté à Warhol, derrière les prétentions glam et les invocations de David Bowie pour faire distingué, il y a une musicienne pour vrai de vrai. La grande imposture: son expérience de mise en marché a réussi - Lady GaGa trône présentement aux sommets en Angleterre, elle est cinquième au Billboard, septième au SoundScan canadien. Bravo. Maintenant, pouvons-nous avoir Stefani, s'il vous plaît?