Mercredi soir dernier, destination Centaur Theatre, coeur du théâtre anglo-montréalais, pour la première d'une nouvelle série de représentations de Piaf: Love Conquers All, une pièce de théâtre, biographique et musicale, portant sur la Môme, dont la vie et l'oeuvre traversent aujourd'hui encore les frontières et les barrières linguistiques.

Le long métrage La Môme d'Olivier Dahan, qui a valu à sa principale interprète, Marion Cotillard, l'Oscar de la meilleure actrice l'année dernière, nous rappelait qu'en plus d'avoir eu une vie captivante, Édith Piaf est encore de nos jours l'interprète française la plus reconnue sur la planète.

 

Ainsi, à la lumière du succès mondial du film qui lui a été consacré, il faut bien dire que le dramaturge Roger Peace a eu du pif en voulant raconter la vie de la Môme, contribuant à la faire rayonner à l'extérieur de la francophonie puisque la pièce se déroule en anglais - les interprétations des chansons, elles, sont fidèles aux originales.

C'est l'actrice et chanteuse d'origine montréalaise Naomi Emmerson qui reprend ici le rôle créé en 1992 par Patsy Gallant - celle-ci était d'ailleurs dans la salle, plus tôt cette semaine, pour assister à la première de ce spectacle qui, depuis près de 15 ans, a beaucoup voyagé.

Emmerson a Piaf dans la peau, c'est le cas de le dire. Seule sur scène, simplement entourée de quelques modestes éléments de décor et d'un pianiste (dissimulé au fond de la scène, pour peu que l'on puisse dissimuler un piano à queue), elle assume ce rôle depuis 1993, avec une passion qui ne semble pas vouloir s'éteindre.

Résumer une vie aussi riche et tumultueuse que celle d'Édith Piaf n'est pas une mince affaire. Le ton emprunté par l'auteur est celui de la confidence et de la camaraderie. On se sent près de cette icône qui nous raconte sa vie de façon à la fois débonnaire et poignante. Pleine de moments drôles et tragiques, la pièce réussit à nous en apprendre sur la vie de Piaf, de la genèse de la star (l'essentiel de la première partie) jusqu'à la mort de son amoureux, le boxeur Marcel Cerdan (qui est au coeur de la deuxième partie).

Naomi Emmerson s'approprie le rôle davantage qu'elle essaie d'imiter Piaf. Côté similitudes, la Piaf vieillie et usée nous apparaît plus saisissante que la Piaf pimpante et naïve de la première partie. La voix - assez juste et très jolie - d'Emmerson essaie d'emprunter quelques tics de Piaf (le timbre pincé, surtout), mais on apprécie davantage la chanteuse derrière l'interprète lorsqu'elle transmet simplement l'émotion des chansons. À cet égard, les interprétations de C'est l'amour et Bravo pour le clown, en deuxième partie, sont particulièrement convaincantes.

Pour un francophone, il est un peu déstabilisant de se faire raconter, en anglais, la vie de cette grande dame de la chanson française. L'accent qu'emprunte Emmerson fait tiquer: la comédienne, parfaite bilingue, manque un peu son coup en imitant l'accent d'une Française s'exprimant en anglais, on croirait plutôt à une mama juive d'Europe de l'Est dont l'anglais est la langue seconde.

Un détail qui ne gâche pas vraiment le plaisir de réaliser que les spectateurs connaissent les chansons de Piaf par coeur. Un public séduit par le magnétisme de la comédienne, laquelle a récolté plusieurs honneurs pour son interprétation, notamment dans le circuit des festivals Fringe.

Piaf: Love Conquers All, jusqu'au 8 février au Centaur Theatre (453, rue Saint-François-Xavier).