Du 6 au 13 février, le festival Voix d'Amériques célébrera encore une fois la parole. Parmi les découvertes, la Française Myriam Pellicane qui visite le Québec pour la première fois avec son spectacle Monstres. Conversation avec la conteuse sur le punk à Lyon, l'excision par Tsho-po Kod et la liberté de celui qui efface ses traces.

«Monstres est un spectacle parfois bizarre, un peu dérangeant. Mais je ne force pas cela. Jouer à l'excentrique troublée, ce n'est vraiment pas mon truc», résume Myriam Pellicane.

 

À l'autre bout du fil, la conteuse française parle depuis une vingtaine de minutes avec sa voix joyeuse et gracile, qu'on imagine sortir nonchalamment de son frêle squelette.

Monstres est une curieuse bête. Plusieurs mondes s'y croisent: récits contemporains, mythes amazoniens, humour saugrenu, costumes inspirés par les mangas (BD) japonaises et bruitisme fait par un certain Éric Delbouys (batteur de l'obscur groupe Doctor Hell).

«Sa musique compte autant que mes mots, précise-t-elle. Éric utilise tout un foutoir d'instruments pour créer ses ambiances, comme une guitare, une flûte, une guimbarde et une lyre complètement pétée. Et sa batterie, il la démonte parfois en plusieurs morceaux pour jouer du tambour ou une cymbale un peu partout sur la scène, selon son inspiration.»

Traditions orales d'Amazonie

Son inspiration à elle, c'est tout simplement les «récits de vie» et les traditions orales, notamment celles d'Amazonie. «Grâce au travail de traducteurs et de gens comme Lévi-Strauss, on a aujourd'hui accès à de nouveaux mythes, de nouvelles façons de concevoir la réalité», rappelle-t-elle.

Mais elle avoue sans gêne que contrairement à l'anthropologue, son propos reste peu intellectualisé. Ce qui l'intéresse, c'est moins la signification que l'émotion. En témoigne son conte sur Tsho-po Kod. «C'est un mythe sur l'excision, explique-t-elle. Un incube (l'esprit Tsho-po Kod) a un rapport sexuel avec une jeune fille. Il l'excite en lui titillant sa petite languette. Malheur pour elle, cette languette s'allonge tellement qu'elle touche le sol. Ça l'embête (...) Comme tuer le tsho-po kod est impossible, on choisit l'autre option.»

Elle précise toutefois ne pas utiliser le mythe pour dénoncer l'excision. «Bien sûr que je m'y oppose. Mais ce conte ne sert pas à faire la morale. Il raconte simplement une histoire en parlant d'un plaisir que toutes les femmes, j'espère, connaissent bien...»

Le terme métissage est justifié pour Myriam Pellicane. Avec son père tunisien et sa mère issue de la campagne française, elle grandit en Algérie. Pour son travail, le père hydrogéologue sillonne l'Algérie à la recherche d'eau. La famille suit.

«À force de toujours se déplacer, nos traces finissent par s'effacer. L'identité devient floue et c'est libérateur, en quelque sorte. Aussi, je n'ai jamais eu le complexe du Français colonisateur, car nous sommes arrivés après l'indépendance.»

La langue arabe

Le seul «complexe», c'est celui de son père arabe, qui ne lui apprend que le français. C'est seulement quand la famille déménage dans une banlieue de Paris, la cité Courneuve, que Myriam Pellicane apprendra quelques mots de la langue de son père.

Les tours grises et froides de la cité dépriment rapidement le père. La famille déménagera donc à Lyon à la fin des années 70. Juste quand le punk traversait la Manche.

«À 16 ans, j'étais une des 10 punks de Lyon, se souvient-elle d'un rire presque gêné. On avait même un groupe composé uniquement de filles. On s'appelait les Calamity Jane. Je savais encore moins jouer d'un instrument que les autres, alors je chantais.»

Après plusieurs détours, elle s'est finalement lancée dans le conte. «La pantomime des deux se ressemble, c'est très physique. Dans le conte comme dans le punk, je retrouve la même impression d'imprévu et de danger. Quand je monte sur scène, je regarde souvent Éric en me demandant ce qui va se passer. J'adore.»

Myriam Pellicane, en spectacle le dimanche 8 février, 20h30, à la Sala Rossa, avec Bob Bourdon en première partie.

 

À voir

En plus des habituels concerts de musique (5 à 7 band " poésie) et soirées micro ouvert (Shifts de nuit) à la Casa del Popolo, plusieurs concerts sont prévus pour le 8e festival Voix d'Amériques, du 6 au 13 février. En voici deux qui se dérouleront la semaine prochaine. Pour la programmation: www.fva.ca

Marie-Jo Thério... libre

Marie-Jo Thério termine présentement un album en studio. L'invitée d'honneur du festival pourrait bien en présenter quelques extraits sur scène lors de son concert.

La Sala Rossa, vendredi 6 février, 20h30

Poètes publics

Ce nouveau collectif d'une douzaine de poètes et musiciens veut «explorer et s'éclater sur la base du risque et de l'improvisation». Avec entre autres les poètes Catherine Lalonde, Danny Plourde et D. Kimm, et les musiciens Bernard Falaise, Michel F. Côté et Martin Tétreault.

La Sala Rossa, samedi 7 février, 20h30