S'il faisait froid hier soir à Montréal, personne ne l'a su au Centre Bell. Là, 14 500 fans de Lil'Wayne ont brûlé pas mal de calories en se déhanchant sur les rythmes de la star du hip hop américain et ceux des trublions r&b qui l'accompagnaient dans notre Grand Nord.

Dire que la star louisianaise était attendue relève de l'euphémisme. Les ados entassés au Centre Bell ont réservé un accueil « beatlesque « à Lil'Wayne, même après qu'il se soit fait attendre avec près d'une heure de retard sur l'horaire prévu. À l'intérieur, l'atmosphère était à la fête : la salle, bondée d'ados, buvait chacune des rimes du MC, et réagissait énergiquement à la moindre intervention.

 

Dans cette cacophonie de cris et de sifflements qui annonce généralement les pop stars d'envergure, Lil'Wayne a enfin posé pied sur la scène alors que son orchestre - cinq musiciens, basse, batterie, guitare, synthés et séquenceurs - ruminait quelques mesures du succès Grindin' dans une sonorisation atroce. La chanson Mr. Carter, de l'album Tha Carter III, le disque le plus vendu aux États-Unis l'année dernière (plus de 3 millions d'exemplaires), a ensuite été reprise en choeur par la foule et ponctuée d'effets pyrotechniques.

Rapidement, l'ami T-Pain que nous avions entendu plus tôt (et à propos duquel nous reviendrons) s'est ramené en renfort, et que l'on déballe les hymnes au bénéfice net que sont Money on my Mind et Got Money. Le «brother» T-Pain a badiné avec Monsieur Carter, repris quelques refrains, pour nous laisser enfin en tête à tête avec l'hôte de la soirée.

Durant toute la soirée, l'orchestre s'est correctement acquitté de sa tâche, mais sans grand éclat, malheureusement, un rappeur aussi singulier que Lil'Wayne aurait mérité un peu plus d'audace et de folie. Généralement, on préférait même les rythmes et basses des séquenceurs plutôt que les instruments «naturels». Sauf qu'une fois le brouillage sonore du début dispersé, nous distinguions enfin clairement ce pourquoi nous étions venus : cette voix, nasillarde et narquoise, ce débit inimitable, jamais monotone, cette manière de mastiquer les syllabes avant de nous les recracher en pleine figure, le sourire en coin. Lorsqu'il chante un refrain, Lil'Wayne manque sa note plus souvent qu'autrement, mais pour trancher les rimes et les servir en sushis, c'est le chef.

Entre les confidences qui provoquaient les ardeurs de la foule, les changements de costumes et les apparitions surprises d'invités (les recrues de son label Young Money), des refrains qui ne manquent pas leurs coups, des rythmiques diablement efficaces, des succès radio enviés par ses pairs : Mrs Officer, Turn Me On, l'excellente et introspective Misunderstood, My Life et, bien sûr, les Lollipop et A Milli, offertes avec fracas en fin de concert.

Pour une première visite officielle de Lil'Wayne, c'était réussi - loin d'être aussi performant qu'un bon concert de The Roots, ni aussi mémorable que la visite de Kanye West il y a moins d'un an au Centre Bell. Mais, si la température québécoise ne l'a pas trop refroidi et qu'il consent à repasser par ici, les fans lui réserveront sûrement un accueil aussi chaleureux.

La pop star s'était déplacée à Montréal accompagnée de sa suite, qui a assuré la première partie : les chanteuses Keyshia Cole et Keri Hilson, le coloré T-Pain, mais pas le groupe Gym Class Heroes, qui a dû déclarer forfait pour cause de maladie.

Du lot, c'est T-Pain que nous attendions le plus. «Ma job sur cette tournée est de m'assurer que vous êtes prêts à accueillir sur scène mon grand frère», Lil'Wayne, a résumé le king de l'Auto tune (qui donne à sa voix cette couleur métallique). T-Pain, à la fin d'une performance d'une quarantaine de minute qui avait des allures d'infopub pour Thr33 Ringz, son plus récent album.

Les chansons duraient rarement plus de deux minutes, entrecoupées par les interventions de son DJ et MC d'appoint. Des danseurs venaient l'accompagner sur scène et donnaient à voir entre deux coups de basse et refrains accrocheurs. Car le chanteur a quelques fiers succès dans sa manche, que le public avait d'ailleurs sur le bout des lèvres : sa chanson Low a reçu un tonnerre d'applaudissement, tout comme ses Buy U A Drank (sur un ton plus roucoulant), Pop Champagne ou Go Hard.