Acteur au physique atypique, séducteur en série pour les unes, fantasme chauve pour les autres, mais aussi danseur de salsa, joueur de tennis et maintenant amateur de vélo, James Hyndman aime bien se promener. Sport, art, littérature, tout l'intéresse, y compris communiquer ses intérêts aux autres. C'est pourquoi ce grand lecteur lira, lundi à la Cinquième salle de la Place des Arts, des textes de Foglia et de Paul Fournel dans le cadre d'une soirée placée sous le signe du vélo. Il va y avoir du sport.

James Hyndman n'écoute jamais les Amateurs de sports à CKAC. Même pas pour en rire. Il ne suit pas non plus les débats sportifs en forme de foire d'empoigne à TQS, Radio-Canada ou RDS. En revanche, il regarde les matchs de tennis et de volleyball à la télé. Il lit le cahier des Sports de La Presse du début jusqu'à la fin tous les jours. Et cela, probablement avant le cahier des Arts.

Le sport et lui, c'est une longue histoire qui remonte à sa jeunesse dans l'Outaouais, alors qu'il faisait de la compétition avec l'équipe de volleyball du Québec. Puis il y a eu du tennis: 10 ans à faire de la compétition qui n'était peut-être pas olympique, mais compétition tout de même.

Ajoutez à cela du golf, de la natation, du patin à glace, du ski alpin et finalement, il y a six ans, grâce à son frère Marc, le vélo et vous avez un type de 6 pieds 3 qui a tous les attributs d'un grand sportif sinon d'un monsieur Sports expert, même si en réalité, il est d'abord et avant tout un acteur et n'a pas l'intention de changer de métier.

Le voilà qui s'amène au Byblos, un café mythique du Plateau. Qui s'amène à pied, devrais-je ajouter, car même si James Hyndman tripe vélo et lit Foglia dans le texte, il n'est pas le genre de cycliste excessif et ostentatoire qui ne sort jamais sans son vélo et qui roule 365 jours par année sans égard à la glace, la neige ou la gadoue.

«Non, moi l'hiver, je mets mon vélo (un Look fait en France) sur un rouleur et j'en fais une fois par semaine pour ne pas perdre la main. Je ne deviens pas fou avec ça.»

Pas un acteur boulimique

On aurait envie de compléter la remarque en affirmant que James Hyndman ne devient pas fou avec grand-chose, tant il semble promener sur les choses et les gens un regard cool, détaché, distant. Sa taille doit y être pour quelque chose. Comment en effet maintenir autre chose que de la distance entre soi et les autres, quand la plupart du temps, on les dépasse de trois têtes.

À ce sujet, l'acteur raconte qu'au départ, sa taille et son crâne lisse, rasé pour cacher sa perte de cheveux, lui ont fermé les portes avant de les lui ouvrir.

«À 26 ans, il ne s'était toujours rien passé avec moi. Je faisais plus vieux que mon âge sans avoir la maturité de mon physique. De plus, j'arrivais de trois ans à Paris où dans les ateliers de théâtre comme dans les auditions, j'avais épuisé tout mon capital d'orgueil, où j'avais été humilié et traumatisé. Et là, il fallait que je recommence tout à zéro à Montréal, une ville où je ne connaissais pas un chat, où je n'avais pas d'amis. J'ai dû attendre jusqu'à la trentaine pour que ça décolle vraiment. Autant dire que j'ai commencé à penser que j'avais fait une gaffe colossale en voulant devenir acteur.»

Le miracle se produit pourtant en 1992 au théâtre confidentiel La Veillée. L'acteur et metteur en scène russe Gregory Hlady décide de prendre un risque et lui confie le rôle d'un des fils dans Le retour, un drame lourd et tordu de Harold Pinter. Et même si certains soirs, le public de la Veillée peut se compter sur les 10 doigts de la main, son nom commence à circuler dans le milieu. L'année suivante, il obtient même une nomination aux Prix de la critique de théâtre dans la catégorie Révélation, avant de décrocher un rôle phare dans L'homme laid de Brad Fraser au Théâtre de Quat' Sous.

Seize ans plus tard, celui que le grand public a découvert dans la peau du sympathique et misanthrope Benoît Dumais de la série Rumeurs, puis à travers le très chevelu Peter Malboro du Coeur a ses raisons, est étrangement détendu face à l'avenir, et ce, en dépit qu'il n'a d'autre projet en ce moment que cette lecture publique. «C'est vrai qu'il y a un petit creux en ce moment. Enfin, je gagne bien ma vie en faisant des voix en pub, de la narration et du doublage, mais pour le reste, il n'y a rien et ça ne m'inquiète pas plus qu'il ne le faut. Je ne suis pas comme ces acteurs boulimiques qui angoissent dès qu'ils ont un trou dans leur horaire. Moi, j'ai plein d'autres intérêts et puis je laisse la vie aller. Elle se charge de tellement de choses.»

Politisé

En effet. C'est la vie qui a décidé que cette lecture publique, planifiée de longue date et s'articulant autour des textes du Tour de France de Foglia et des nouvelles cyclistes de Paul Fournel, aurait lieu le même soir que les élections provinciales. Hyndman et Stéphane Lépine, le directeur artistique de la série, auraient pu annuler, mais comme la vente de billets pour cette salle de 350 places allait très bien, ils ont décidé de tenir l'événement malgré tout.

Ceux qui seraient tentés d'y voir un geste antipolitique doublé d'une invitation à boycotter les élections se trompent. D'abord, Hyndman est le fils de James Hyndman, un diplomate canadien qui a été en poste en Russie et en Allemagne avant de devenir ambassadeur du Canada à Cuba. Il s'intéresse à ce point à la politique qu'il a fait une maîtrise en sciences politiques à l'Université d'Ottawa.

Lundi, il ira voter dans sa circonscription, soit pour Amir Khadir de Québec solidaire, soit pour Daniel Turp du PQ. Son coeur balance encore entre les deux. Il m'assure aussi qu'en débutant la lecture à 19h30, il a voulu laisser le temps aux spectateurs de rentrer chez eux pas trop tard et de ne pas rater le dénouement des élections. Autrement dit, l'animal n'est pas dépolitisé pour un sou. En même temps, et qui pourrait le blâmer, le matin de notre rencontre, Hyndman, était plus préoccupé par la crise à Ottawa que par les élections provinciales.

«Comme bien des gens, je suis sidéré par le gouvernement Harper. Je savais qu'ils étaient démagos et doctrinaires, mais je ne pensais pas qu'ils pouvaient être à ce point idiots et arrogants. Leur interdiction du droit de grève des fonctionnaires m'a jeté à terre, littéralement. J'ai réagi très fortement. Par la suite, quand je me suis calmé et que j'ai pris connaissance de cette coalition dirigée par Stéphane Dion, j'ai ressenti un certain malaise. Je suis le premier à déplorer le cynisme des électeurs à l'égard des politiciens. En même temps, je constate année après année que ces mêmes politiciens font des gestes et prennent des décisions qui nous donnent raison d'être cyniques.»

Vélo littéraire

L'année dernière, James Hyndman avait choisi de lire du D.H. Lawrence, à la Cinquième salle. Or D.H Lawrence était un écrivain, mais aussi un diplomate. C'est le cas également de Paul Fournel, un journaliste, écrivain, éditeur et diplomate.

«Ce qui me touche chez Fournel, poursuit-il, c'est que le vélo c'est sa vie, son pays, les paysages de son enfance, son rapport à son père. Je ne sais pas si Foglia l'a déjà lu, mais ce sont deux frères, c'est clair. Fournel est un mélancolique angoissé. Foglia, pour sa part, semble obsédé par la mort. En même temps, il y a dans ce qu'il écrit une pulsion de vie et de vitalité impressionnante. Et puis, si Fournel a tout le loisir de ciseler ses textes, ce qui est épatant chez Foglia, c'est qu'il écrit à chaud, à toute vitesse et dans des conditions sans doute épouvantables, mais en réussissant toujours à rendre les choses et les gens comme le ferait un écrivain.»

Pour préparer cette soirée, Hyndman a dû faire un choix de textes puis créer une sorte de progression dramatique avec les morceaux choisis tout en respectant l'univers de chaque auteur. Même si le travail n'est pas le même, l'acteur ne voit pas de différence entre lire devant public et jouer dans une pièce de théâtre.

«Quand le rideau se lève et que le spot s'allume, t'es tout seul sur scène et t'as la même obligation de tenir ton public en haleine, de l'émouvoir et de le toucher.»

Son seul regret, c'est que cette performance qu'il prépare depuis plusieurs semaines n'aura lieu qu'un soir. Tout ce travail pour une seule représentation, c'est un peu frustrant, déplore-t-il en se demandant s'il ne pourrait pas proposer ses services de lecteur dans les théâtres de la ville qui, le lundi soir, font relâche.

En attendant, lundi soir, James Hyndman fera du vélo littéraire, mais non stationnaire à la Cinquième salle. Après quoi, au lieu de rentrer chez lui pour aller regarder la soirée des élections à la télé, il se promet d'aller prendre une bière. Si jamais vous le rencontrez ce soir-là dans la ville, n'oubliez pas de lui donner le résultat du scrutin.

James Hyndman lit Paul Fournel et Pierre Foglia. Lundi à la Cinquième salle de la PdA, 19h30.