Le Beatle George Harrison, son disciple, l'appelait «le parrain de la world music» et le violoniste Yehudi Menuhin le comparaît à Mozart: le maître du sitar Ravi Shankar, qui a popularisé la musique indienne en Occident, a fait à Paris ses adieux aux scènes européennes.

À 88 ans, Ravi Shankar donne en Europe une courte tournée annoncée comme la dernière. Après s'être produit à Londres début juin, il s'arrêtait pour deux soirs à la salle Pleyel, lundi pour un concert puis mardi pour une leçon de musique, avant quatre spectacles aux États-Unis en octobre. Cette tournée, initialement prévue au printemps, avait été reportée pour raisons de santé.

Malicieux, le musicien indien a laissé planer le doute sur la réalité de ces adieux en entrant en scène lundi, salué par une ovation debout: «Mes chers amis de Paris, c'est censé être mon dernier concert ici, j'espère que ce n'est pas vrai!».

Vêtu d'une tunique bleu clair, il est accompagné par sa fille Anoushka, à qui il a enseigné le sitar et qui a assuré la première partie, par un virtuose du tablâ (percussions) et deux joueurs de tampura, les luths qui font office de bourdon dans la musique classique indienne.

Ravi Shankar n'a plus la souplesse nécessaire pour s'asseoir en tailleur sur les grands tapis orientaux déployés sur le sol et se fait aider par un de ses musiciens pour monter sur scène et accorder son instrument. En revanche, sa science du sitar est intacte, comme il le prouve dès les premières notes de ce concert d'une heure et demie, fait de trois longs morceaux.

Le maître indien, né le 7 avril 1920 à Varanasi, a popularisé la musique indienne en Occident dès la fin des années 50 et a notamment enseigné l'art du sitar au Beatle George Harrison dans les années 60.

Bien que ces sons envoûtants aient irrigué la pop music depuis 40 ans, en partie grâce à lui, ils gardent le même pouvoir de fascination sur les oreilles occidentales. Tantôt méditative, tantôt échevelée mais toujours raffinée et complexe, cette musique construite en partie sur l'improvisation est hypnotique et mystérieuse, propice au vagabondage de l'esprit, comme hors du temps.

Le public de Pleyel, composé de quinquagénaires chics comme de jeunes gens au look baba cool, se laisse emporter et écoute religieusement, réservant une ovation aux musiciens entre chaque morceau.

Dans l'assistance, on aperçoit Olivia, la veuve de George Harrison, ou Nicolas Godin, du duo électro-pop Air. La première a d'ailleurs remis un prix honorifique à Ravi Shankar à l'issue du concert, décerné par le Centre India, qui oeuvre pour le rapprochement entre la culture indienne et le monde occidental.

Si le maître indien entretient un rapport très respectueux avec son art, il ne s'interdit pas quelques facéties et glisse des notes d'Au clair de la lune au milieu d'un raga traditionnel.

Malgré son expérience et son statut, il jette des regards admiratifs à son joueur de tablâ, l'impressionnant Tanmoy Bose, et couve des yeux sa fille Anoushka, 27 ans, au jeu vif et brillant, qui l'accompagne sur scène depuis 1995. Son autre fille a également choisi d'être musicienne mais dans un style tout à fait différent puisqu'il s'agit de la chanteuse pop-folk américaine Norah Jones.

Au terme du concert, Ravi Shankar reçoit un triomphe du public de Pleyel, qui se lève pour le voir quitter la scène à petits pas au bras d'Anoushka.