Nina Ananiachvili, «Géorgienne mais ballerine russe», dit avoir interprété Giselle avec une émotion décuplée au Festival d'Édimbourg cette semaine, alors que sa compagnie, le Ballet d'État de Géorgie, est suspendue aux nouvelles du conflit entre Russie et Géorgie.

«Je suis Géorgienne, mais je suis une ballerine russe», explique à l'AFP l'ex-danseuse étoile du Bolchoï, qui a passé 30 ans en Russie avant de prendre la direction du ballet d'État de Géorgie en 2004.

Sa compagnie, environ 80 personnes avec les proches des danseurs, a quitté la Géorgie vendredi 8 août, le jour où l'armée russe a répliqué à la tentative géorgienne de reprendre le contrôle de l'Ossétie du Sud.

«Quand j'ai entendu parler des premiers incidents, c'était un véritable choc», raconte-t-elle.

Elle décrit les enfants qui pleuraient avant la représentation, comment elle a dû ramener le calme et convaincre les danseurs qu'il fallait danser malgré leurs inquiétudes.

«Cette représentation était beaucoup plus émotionnelle, je me concentrais sur mon rôle mais j'avais sans cesse de terribles images devant les yeux», relate la danseuse aux cheveux noir et vêtue de couleur sombre.

Le Times a salué cette «représentation, avec beaucoup d'assurance, du classique du 19e siècle, Giselle. Et le Guardian a apprécié une «représentation mémorable».

Si les critiques des journaux britanniques ont salué le travail de cette jeune compagnie, le public du Festival d'Édimbourg aussi s'est montré enthousiaste et solidaire.

«Au deuxième acte, quand je lève ma main pour dire au revoir à Albert, pour remercier Dieu, il y avait un silence complet, un silence de mort, tout le monde retenait son souffle» puis le public s'est levé dans un tonnerre d'applaudissements, raconte avec émotion la ballerine, qui interprétait Giselle. «La culture n'a pas de nationalité», souligne-t-elle.

Le conflit actuel «n'est pas une question de peuples (qui s'affrontent) c'est de la politique, cela doit s'arrêter!», estime-t-elle.

«Mais cette fois-ci, je ne peux pas être du côté russe», souligne-t-elle dénonçant «l'invasion» de son pays par Moscou.

Née à Tbilissi en 1963, Nina Ananiachvili est allée parfaire sa technique du ballet à Moscou à 14 ans. Elle appelle son mentor au Bolchoï, Raïssa Stroutchkova, «sa mère russe» qui a fait d'elle une danseuse étoile.

Après la chute de l'URSS, elle s'est aussi produite avec de nombreuses compagnies internationales, dont le ballet de Houston.

En 2004, après son arrivée au pouvoir, le président géorgien Mikheïl Saakachvili l'a invitée à diriger le ballet d'État de Géorgie.

Proche du gouvernement pro-occidental géorgien, elle a épousé l'actuel vice-ministre des Affaires étrangères Grigol Vachadze.

À 45 ans, elle s'affirme en pleine forme. «Je pense que je n'ai pas encore dansé mon meilleur ballet», dit-elle en espérant pouvoir créer bientôt une nouvelle oeuvre pour montrer toutes ses capacités.

Mais les larmes lui viennent aux yeux quand elle explique que, faute de visa à cause des tensions entre les deux pays, elle ne peut emmener sa compagnie en Russie.

Nina Ananiachvili et le ballet d'État de Géorgie ont donné deux représentations de Giselle et du spectacle Mixed Bill - avec des chorégraphies de Balanchine - dans le cadre du Festival international d'Édimbourg du 9 au 13 août.