Osheaga au parc Jean-Drapeau, Wolf Parade au Métropolis, 20 ans dans les dents en clôture extérieure des FrancoFolies, les amateurs de rock indépendant étaient courtisés, hier. Chose certaine, ce n'est pas le spectacle-marathon mettant en vedette Malajube, Karkwa, Gatineau et Alexandre Désilets qui a mordu la poussière: des milliers de fans se sont pressés derrière le quartier général de la police de Montréal dès le début de la soirée.

Peu après 18 h, sous un ciel nuageux percé ici et là par un soleil opiniâtre, Alexandre Désilets est entré en scène pour donner le coup d'envoi de cette soirée qui s'annonçait aussi longue que faste. «Je suis parfaitement conscient à quel point je suis chanceux d'être ici», a dit le chanteur, qui se produisait très certainement devant la plus grosse foule de sa jeune carrière.

Il a assuré. Pendant un peu moins d'une heure, il a habilement déployé son rock aérien avec la même amplitude que sur son album Escalader l'ivresse, mais avec un poil de tonus en plus. Il a imposé sa force tranquille, avec des chansons misant d'abord sur son chant gracieux comme des arabesques et des guitares plus chromatiques que supersoniques, devant une foule qui est demeurée étonnamment attentive. Une manière d'exploit dans le contexte d'un grand spectacle extérieur.

Le second souffle de Gatineau

Gatineau, dont le rap est, par définition, plus dynamique, n'a pas d'emblée convaincu. Même que la première moitié de sa prestation fut franchement brouillonne. La double section rythmique, un percussionniste et un batteur, n'avait pas la force de frappe escomptée. Curieusement, il a fallu que le groupe ralentisse la cadence pour retrouver ses marques.

Pawnsheüp et Éléphant, des morceaux d'atmosphère, ont en effet donné un second souffle à la prestation de Gatineau et lui ont permis de conquérir une foule qui, pour la vaste majorité, voyait le groupe pour la première fois - Séba a demandé le vote à main levée. Les contes immoraux, une chanson dansante et aussi chaste que son titre le laisse entendre, a fait bouger une partie de la foule au pied de la scène.

«Ça fait une belle soirée, non?» a lancé Louis-Jean Cormier, chanteur et guitariste de Karkwa. Son groupe était sur scène depuis 10 minutes et venait de jouer Le compteur et M'empêcher de sortir. Et l'intensité du spectacle venait de grimper de plusieurs crans. Avec Malajube, Karkwa était l'autre vraie tête d'affiche de 20 ans dans les dents.

La foule, décidément très nombreuse (osons une estimation d'environ 7000 personnes), a eu droit à quelques morceaux de Le volume du vent, parmi lesquelles Oublie pas, une puissante et brillante ballade rock. Ces gars-là ne font pas du rock à numéros et, pourtant, ils le jouent toujours avec une autorité et une grande sensibilité. Du rock de chair et d'esprit, le meilleur des deux mondes, quoi...

Malajube (dont ce sera «le seul show à Montréal cette année», dixit Laurent Saulnier), a aussi profité de l'occasion pour offrir du nouveau. Et ce, dès le début de sa prestation, lancée avec une inédite intitulée Le tout-puissant, une chanson lente, marquée par un clavier dissonant, qui est passée dans le beurre.

Promesse tenue

Deux chansons plus tard, pendant Fille à plume, Malajube avait retrouvé sa folle énergie brouillonne. Et l'enthousiasme des fans était au rendez-vous. Au moment d'écrire ces lignes, une vingtaine de minutes après l'entrée en scène du groupe, son rock saccadé avait clairement pris son envol. Conclusion: 20 ans dans les dents a tenu sa promesse; on a eu droit au meilleur de la musique «émergente». Un puissant coup d'éclat.