Après avoir envoûté l'Europe, la Colombie et le Mexique et la Corée-du-Sud, Nebbia, coproduction du Cirque Éloize et du Teatro Sunil, s'apprête à se poser à Montréal. Une oeuvre poétique, pour ouvrir la saison du Théâtre du Nouveau Monde. Le brouillard tel que vu par un ciseleur d'images nommé Daniele Finzi Pascal.

«Je suis italien d'origine. Mon grand-père vient de la ville où est né Fellini. Bien sûr que cette nostalgie m'imprègne», concède Daniele Finzi Pasca, le maître d'oeuvre de Nebbia. Après Rain et Nomade, le troisième volet de la Trilogie du Ciel du Cirque Éloize et du Teatro Sunil arrive au Théâtre du Nouveau Monde.

Au café du TNM, en compagnie de son amoureuse Julie Hamelin (codirectrice du Cirque Éloize), Daniele Finzi Pasca révèle quelques éléments de Nebbia tout en entretenant une part d'énigme, de mystère. Dans la vie, comme dans ses pièces, l'homme de théâtre d'origine suisse-italienne, qui a été photographe, clown, auteur et chorégraphe, est un ciseleur d'images.

Avant Nebbia, rappelle-t-il, il y a eu Nomade et Rain, premières parties de la Trilogie du Ciel. «Dans le cas de Nebbia, on raconte ce qui se passe quand le ciel descend et que l'on perd l'horizon. C'est l'introspection qui surgit, quand on est dans le brouillard. C'est aussi une façon de raconter ce qui se passe dans les yeux des gens qui entrent dans une grande vieillesse. Ces vieux pour lesquels on devient un rêve» évoque Daniele Finzi Pasca, qui s'est inspiré du regard de sa propre grand-mère, âgée de 102 ans. «Quand je la retrouve, je me rends compte que je suis flou pour elle.»

L'amitié est au coeur de ce spectacle acrobatique qui, fidèle à la tradition d'Éloize, réinvente l'art du cirque. Un thème cher à Daniele Finzi Pasca qui, dans ses derniers spectacles, a cherché à exprimer ce besoin de s'appuyer sur l'autre, de le connaître, de faire de l'amitié un art

«Un homme se retrouve dans les lieux de son enfance. Lors d'une journée de brouillard, il se revoit et se redécouvre, en se souvenant de ce qui s'est passé, lors d'une année où un groupe d'amis avait préparé un carnaval. Chez nous, on se prépare pendant des mois pour des concours, des fêtes», évoque le metteur en scène et fondateur du Teatro Sunil.

Le cirque du Nouveau Monde

Après avoir assisté à une représentation de Rain au Théâtre Outremont, Lorraine Pintal a approché Éloize. «Elle est tombée en amour avec le spectacle», raconte Julie Hamelin. Rapidement, la directrice artistique du TNM a manifesté le souhait de collaborer avec Éloize et Daniele Finzi Pasca. Elle a donc proposé de prêter sa scène au dernier volet de la Trilogie du Ciel.

Productrice création et coauteure des textes des chansons du Cirque Éloize, Hamelin souligne que la salle du TNM est idéale pour un spectacle comme Nebbia. «Il y a une belle proximité avec le public et un côté intimiste. C'est une salle quasi parfaite!»

Le Cirque Éloize qui ouvre la saison du TNM: aux yeux de Daniele Finzi Pasca et Julie Hamelin, tel choix n'a rien de paradoxal ou d'incongru. «Ce n'est pas un spectacle de cirque. Si ça avait été cela, nous aurions joué à la TOHU», soutient Daniele Finzi Pasca, qui préfère parler de «danse théâtrale», de «l'utilisation de l'acrobatie dans le théâtre».

«Dans un cirque, on n'a pas besoin d'acteurs. Alors que dans Nebbia, les interprètes sont à la fois acteurs et acrobates», indique le metteur en scène.

Reste que Finzi et Éloize sont engagés dans une réinvention de l'art du cirque, qui se manifeste dans la création de nouvelles formes pour chacun de leurs spectacles. «L'acrobatie, tout comme la danse et la musique, fait partie de la genèse de notre façon de représenter la vie. Il existe des jeux que tous les enfants continuent de faire, pour mesurer le risque. C'est le moment où les parents savent qu'ils doivent les garder à l'oeil.»

La force technique est obligatoire, chez les interprètes dirigés par Daniele Finzi Pasca. Mais il ne s'agit pas pour autant de se contenter de leur faire tourner des ballons sur le nez, pour épater les foules. Le geste acrobatique est là pour déstabiliser, «une stratégie pour masser le spectateur», lâche-t-il.

Polyglotte et multidisciplinaire

"Pour tenir un spectacle de deux heures avec 11 artistes, il faut miser sur la multidisciplinarité", insiste Daniele Finzi Pasca, qui réunit sur la scène des interprètes de sept nationalités. Soit dit en passant, ils s'exprimeront tous dans leur langue maternelle.

"Moi, je viens du théâtre. Donc forcément, j'aime les mots. Des clowns sur scène disent des histoires qui se croisent, sans être racontées de façon linéaire. On est plus près du langage des rêves, de l'allusion", poursuit celui qui "se sent à la maison à Montréal", depuis sa rencontre déterminante avec Éloize.

Julie Hamelin raconte comment leur collaboration est née. "Nous avions vu Icaro quelques années auparavant. Nous étions tombés en amour avec son univers poétique et humain. Daniele nous a amené son univers, son bagage théâtre. Les sept dernières années d'Éloize ont été marquées par sa signature", dit la cofondatrice de ce cirque né du rêve d'une bande de Madelinots, qui célèbre cette année ses 15 ans.

Lancé en décembre 2007 à Genève, Nebbia arrive à Montréal avec déjà 100 représentations derrière elle. Après avoir passé un mois au TNM, le spectacle partira en tournée dans 12 villes du Québec. Puis, le Cirque Éloize se produira dans 23 villes américaines avant de mettre le cap sur l'Allemagne et la Russie.

Après le déluge jouissif de Rain, le brouillard de Nebbia. Des décrocheurs d'étoiles en trapèze s'amènent dans le ciel du TNM

Nebbia, écrite et mise en scène par Daniele Finzi Pasca, une coproduction du Cirque Éloize avec Teatro Sunil, au Théâtre du Nouveau Monde du 9 septembre au 4 octobre.