La tournée In Rainbows de Radiohead s'arrête ce soir au parc Jean-Drapeau. Notre journaliste témoigne d'une escale mémorable à Paris, en juin, dans le cadre du volet européen de la tournée.

Le 9 juin dernier au Palais Omnisports Paris Bercy, le nouveau concert de Radiohead allie le meilleur de deux mondes: concert total, spectacle total.

Avant que le quintette ne se mette en marche à la suite d'une première partie plutôt nourrissante signée Bat for Lashes, un glitch minimal baigne l'atmosphère. On lorgne alors les préparatifs de scène: les instruments et les micros de Radiohead sont surplombés par plusieurs douzaines de longs tubulaires accrochés à la charpente des éclairages.

Au fond de la scène, se déploie un écran divisé en cinq parties égales où l'on retransmettra en direct les mouvements de scène des cinq membres de Radiohead – le chanteur et multi-instrumentiste Thom Yorke, les guitaristes Ed O'Brien et Jonny Greenwood, le bassiste Colin Greenwood, le batteur Phil Selway.

Lorsque Radiohead se met en action, l'effet de cette «forêt» de tubulaires est plus que saisissant. Ces longues tiges de lumière permettent de superbes jeux de couleurs, magnifiques teintes de bleu, vert, mauve, rouge... Parfois, toutes les couleurs du spectre (in rainbows...) s'illustrent pour notre plus grand plaisir. On peut même avoir cette vague impression de saisir des formes en 3D, à travers lesquelles le groupe donne une performance à la hauteur des attentes.

Depuis la tournée de 2001, Radiohead n'a jamais autant innové au plan de ses environnements visuels, déjà nettement supérieurs à la moyenne au cours des tournées subséquentes – 2003 et 2006. Il faut dire que les spectacles suivant la sortie de l'album Hail to the Thief s'inscrivaient dans la même esthétique que ceux de la tournée précédente, alors que celle de 2006 dont on a vu les mémorables représentations à la Place des Arts, était beaucoup moins chargée visuellement – quoique superbe vu le caractère intimiste de l'entreprise.

Bien sûr, il serait un peu trouble-fête de vous refaire le film précis de cette merveilleuse soirée du 9 juin, vous avez aussi droit à votre lot de surprises. On peut tout de même vous annoncer que chaque programme de Radiohead comporte des différences importantes (après vérification de quelques listes des chansons publiées en ligne), que le groupe puise d'abord dans le répertoire de l'album In Rainbows (et des six chansons lancées indépendamment en ligne), répertoire duquel il ajoute des titres de son entière discographie, surtout après O.K. Computer.

Ce soir-là à Bercy, Thom Yorke portait un veston blanc, l'émotion était rouge sang. Le leader de Radiohead était plus à l'aise que jamais lorsqu'il quittait le clavier et empoignait le micro. Lyrisme à vif, expressivité, complexité, rugosité, extase, quasi autisme par moments, onirisme, complainte, communion parfaite avec le public.

Bref, tout le spectre des vibrations inhérentes aux plus grands spectacles de masse fut investi. Musicalement, force était de constater que le groupe était à son zénith. Les polyrythmes, les guitares exploratoires, tous ces fragments de musique sérieuse au service du rock, tout était là pour nourrir les hémisphères. Nous jeter par terre, en fait.

On l'a déjà souligné, Radiohead est l'illustration parfaite ce que la culture populaire peut engendrer de mieux. Sans renier ses origines rock, sans s'aliéner sa base, le groupe anglais n'a cessé de s'ouvrir à la complexité musicale ou littéraire, il a su investir des mondes visuels d'avant-garde, pour ainsi élever des millions d'esprits.

Vous êtes prêts?

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Après une performance de Grizzly Bear donnée à 19 h 30, demain au parc Jean-Drapeau, Radiohead montera sur scène à 20 h 45 et donnera plus de deux heures de spectacle.