«Everything is bullshit in rock'n'roll!» a hurlé Iggy Pop. Justement, les festivaliers étaient venus passer la journée d'hier au parc Jean-Drapeau pour leur dose dominicale de rock'n'roll. Le groupe The Stooges a donné le meilleur concert de la première journée d'Osheaga, n'en déplaise à The Killers, qui a eu l'ingrate tâche de suivre les légendes de Detroit.

Rendons aux Killers ce qui leur revient: ils ont aussi donné une performance énergique et déballé leurs compositions accrocheuses avec l'aplomb et ce sens du spectacle qui font leur renommée. Mais voilà, les Stooges étaient passés par là avant eux...

Avec des classiques à la chaîne: Not Right en ouverture. Suivie de la sombre 1969, qui ouvre la face A du premier album du groupe. Puis, comme une claque, I Wanna Be Your Dog, et la foule qui prend tout ça en pleine poire, et Iggy Pop à quatre pattes sur scène en train de faire le chien enragé. Puis T.V.Eye qui déboule, et Real Cool Time...

The Stooges, version 2008, irradiait, donnant un peu à voir à ces fans trop jeunes pour les avoir connus durant leurs heures de gloire. La section rythmique, constituée de Scott Asheton (batterie) et Mike Watt (basse), couchait de brutales fondations pour Ron Asheton (guitare) et, surtout, Iggy Pop, torse nu comme toujours, maigre comme un poulet déplumé, totalement possédé. Pas croyable, on dirait que le temps s'est arrêté pour ce fou chantant.

Rendu à No Fun, il a sommé le public de monter sur scène pour délirer en sa compagnie, se gardant d'autres bombes telles que Fun House et Search and Destroy pour la seconde moitié de cette mémorable performance, qui s'est déroulée sous un ciel clément.

En après-midi, cependant, rien à faire: pas même le plus important rassemblement d'artistes internationaux depuis la fin du Festival international de jazz de Montréal n'allait calmer le baromètre. Au lieu de la poussière qui lève sous nos pas par les belles journées ensoleillées, de grandes flaques de boue. Chez les spectatrices, la botte de caoutchouc était décidément l'accessoire mode le plus populaire.

Les Montréalais chéris Plants&Animals, fort occupés sous le petit chapiteau de la scène des Arbres (et observés de loin par une marmotte!), et N.E.R.D, le collectif mené par Chad Hugo et Pharrell Williams, ont goûté au ciel plombé et à sa mouillasse. Aussi bruyant que lors de sa dernière visite (en première partie de Kanye West au printemps dernier), N.E.R.D. a resservi son rock-funk agité façon Rage Against the Machine sur la grande scène, devant un public dégourdi mais clairsemé.

C'est qu'il n'y avait pas foule en ce dimanche après-midi. En soirée, les organisateurs avaient compté 13 000 entrées - à titre de comparaison, pour le concert de Radiohead, mercredi, le Groupe Gillett a déjà vendu 30 000 billets

Tant pis pour les absents, car vers 16 h 30, Spiritualized a donné une performance renversante. Jason «Spaceman» Pierce a rameuté un guitariste, un bassiste, un claviériste et deux soul sisters aux choeurs, histoire d'injecter une dose de gospel à ses chansons rock intenses.

Le concert a démarré comme il s'est terminé: dans un chaos de guitares électriques particulièrement tendues. Doux sur disque, Spiritualized montre les crocs et pousse à fond les amplis sur scène, entrecoupant les nappes de distorsion par quelques refrains folk bienvenus. Avant de quitter la scène, Spaceman a fait voler sa tête d'ampli pour ensuite percer du manche de sa guitare le gros Marshall qui trônait derrière lui.

Mais la palme du spectacle le plus disjoncté revient néanmoins au quatuor Duchess Says, qui, manifestement, n'a pas volé son prix Miroir pour la meilleure performance d'un jeune artiste. Après quelques explosives chansons seulement, la chanteuse Annie-Claude est rapidement descendue de la scène MEG pour aller se rouler dans la boue, juste aux pieds des spectateurs, avant de remonter sur scène pour donner des coups de poing à son keytar!