Hier soir, le ciel était enfin d'azur, juste à temps pour le grand spectacle extérieur Terre planète bleue, avec Diane Dufresne et ses nombreux invités, en clôture des 20es FrancoFolies de Montréal.

De toute manière, le ciel n'était pas le plus redoutable adversaire à craindre: l'adversaire, c'était nous-mêmes, «enfants du cynisme», comme l'a chanté bellement Daniel Lavoie à la fin de la soirée (Ils s'aiment), en compagnie de deux acrobates époustouflants de la troupe Les 7 doigts de la main.

Pour venir à bout de notre cynisme, il a donc fallu quelques chansons et discours, et même si Diane Dufresne était magnifiquement en voix, c'est lorsque Richard Séguin est arrivé avec sa guitare, sa voix et ses mots tout simples et purs (Qu'est-ce qu'on leur laisse) que nous avons finalement baissé la garde et accepté d'écouter ceux qui chantaient et parlaient d'écologie, d'environnement, bref, de nous.

La simplicité de Séguin a ouvert grand la porte à un des moments les plus forts - et les plus inattendus! - de la soirée: le discours «slammé» de l'écologiste Steven Guilbeault, qui a carrément enflammé la vaste foule avec un texte convaincant et convaincu (dont est d'ailleurs tiré le titre de cette critique), dit avec fougue, intelligence et, il faut bien le dire, un talent naturel de slammeur, sur une musique endiablée.

À partir de là, le spectacle a vraiment pris son envol, notamment quand Diane Dufresne a donné d'Oxygène sa version la plus angoissante et la plus terrifiante de vérité qu'il m'ait été donné de voir. Tout d'un coup, l'absence possible d'air pur est devenue tout à fait imaginable.

Après un texte qui a trouvé sa résonance dans la foule, dit par les militants Hugo Latulippe et Laure Waridel («Il est temps de se donner les moyens de rester petits (...) de faire notre métier d'humains, qui est de cultiver des liens avec ceux d'ailleurs, ceux d'avant et ceux d'après»), est survenu un moment extraordinaire de beauté: pour la première fois depuis la Saint-Jean de 1981, je crois, Diane Dufresne a chanté l'intégrale de Le monde est fou, dont fait partie L'hymne à la beauté du monde, ce grand et incroyable texte prémonitoire de Luc Plamondon écrit il y a 35 ans! Habillée en «bag lady» digne, Diane Dufresne a chanté de façon bouleversante pendant que des photos de la beauté du monde, prises justement par le simple monde, défilaient et que des animaux de toile traversaient la foule. Chavirant.

On soulignera aussi l'incroyable efficacité de Pagliaro, qui a chanté Les bombes avec son aplomb habituel et Dufresne à la fin: c'était quelque chose, voir le père et la mère du rock québécois ensemble... Au nombre des autres invités qui ont tour à tour foulé la grande scène, il y a également eu Michel Rivard, Pierre Flynn, Elisapie Isaac, Jacques Laguirand (qui a rendu un vibrant hommage à Chief Dan George), l'océanographe Jean Lemire (qui a notamment joué du saxophone, plutôt mal, mais c'était pour la bonne cause), l'astronaute Julie Payette (en vidéo, écoutée attentivement), l'astrophysicien Hubert Reeves (qui nous a rappelé que «les étoiles sont nos grands-mères»)...

Et comment oublier la chorale de Marie Bernard, tout en discrétion et néanmoins indispensable au spectacle, ainsi que les nombreux musiciens sous la direction d'Alain Sauvageau, sans négliger les montages vidéo inspirés de Jimmy Lakatos? On pourra tout voir, et mieux, le dimanche 10 août à 20 h, alors que TV5 télédiffusera le spectacle. Pour avoir ensuite envie de protéger à notre tour la beauté du monde. Le monde, c'est nous.