Note à moi-même: ne jamais sous-estimer le pouvoir d'attraction d'un surfer qui chante. Surtout s'il chante pour la première fois devant ses fans montréalais.

Après une journée inaugurale en deçà des attentes (niveau fréquentation), les organisateurs du festival Osheaga ont pu souffler un peu en voyant tous ces spectateurs étendus sur l'herbe de la colline faisant face aux scènes principales, sans compter que la scène MEG a été particulièrement courue par les amateurs de musique fraîche, qui y trouvaient une affiche sans tache: Jamie Lidell, The Kills, MGMT, The Go! Team, CSS, Chromeo...

C'est grâce à ce Jack Johnson, originaire de Hawaï, paradis du surf (paraît-il), que le festival Osheaga a réussi à attirer plus de spectateurs que la veille, même si la semaine de travail était commencée et que les prévisions météorologiques étaient, hum, aussi moches qu'à l'habitude. Chiffres officiels de l'organisation: environ 18 000 festivaliers, soit 5000 entrées de plus que la veille.

Or, voilà que le soleil s'est mis de la partie, faisant de ce lundi une journée parfaite pour la musique en plein air, n'eût été qu'elle tombait un jour de semaine et que les mélomanes ne sont pas forcément tous en vacances. Comme l'a dit un des membres de Broken Social Scene en arrivant sur scène: «What a lovely, lovely day!«. Les nuages n'ont fait qu'un long tour, et dès la fin de l'après-midi, le soleil est allé voir MGMT, Gogol Bordello et Duffy.

Parlant de Duffy, autant régler la question tout de suite. Non, elle n'est pas la nouvelle Amy Winehouse. Même sobre et bien nourrie, cette pauvre Amy avait une gouaille, une attitude, un aura, ces choses et quelques autres qui échappent complètement à la Galloise Duffy, 24 ans, riche en voix (un vibrato soyeux et marqué, un ton fort juste, mais un timbre qui irrite un brin), mais totalement dépourvue de personnalité.

Elle a du soul, la demoiselle, à n'en point douter. Sa mixture de pop, R&B et blues/gospel réchauffe parfois, mais la proposition demeure aseptisée au possible. Routinière. Dans un registre plus funk, on s'ennuyait de la puissance d'une Sharon Jones&The Dap Kings, attrapée la veille.

Simple question de contexte, peut-être. Un événement comme Osheaga commande des performances énergiques, pas les mièvreries. Du tonus, du mordant, une vraie présence capable d'obnubiler l'auditoire, que diable!

À ce chapitre, Gogol Bordello et Broken Social Scene, passés juste avant Jack Johnson, ont fort bien fait. Une bonne heure après le punk gitan des Newyorkais de Gogol Bordello, le cirque indie rock torontois nous a remis la fête au coeur. Le parc Jean-Drapeau campait un décor idéal pour la mise en scène du collectif, faite de spontanéité et d'épiques compositions indie rock. Le public a embarqué à fond, de la même manière qu'il s'est tout à fait retrouvé dans la pop progressive et colorée de MGMT, aperçus plus tôt.

Aussi, une bonne note pour la performance du duo américain Black Keys, passé vers 17 h sur la scène principale. Une batterie, une guitare, et la voix (et la barbe broussailleuse, et la chemise à carreaux) de ce dernier, un rock bluesé sale et viscéral qui occupe toute la scène, imparablement. Nous en aurions pris plus que 45 petites minutes.

Bref, arrivé à Jack Johnson, nous étions soudainement dans un autre festival, et pourtant, ça sautait aux oreilles, une majorité de spectateurs étaient là pour entendre le bellâtre, accueilli avec fracas pour son premier concert à Montréal.

Les cris de la foule servaient d'ailleurs de prélude à chacune de ses chansons. Ouvrant le concert avec Hope - tirée de son plus récent album, Sleep Through the Static -, Johnson a doucement bercé le public pendant 90 minutes. Soft rock, pop acoustique, guitares sèches et piano droit, un peu de batterie pour la forme, une dose de musique Black, histoire d'honorer les comparaisons qu'on lui prête avec Ben Harper (qui, incidemment, était de la toute première mouture d'Osheaga).

Franchement, une performance qui passe rondement, revisitant le matériel chéri de ses quatre albums. La voix est élégante, le jeu de guitare un rien simplet, mais limpide, les arrangements dépouillés pour mieux apprécier ses ritournelles folk. Et en prime, un invité spécial (nous a confirmé l'organisation, à défaut d'y assister, heure de tombée oblige): Jimmy Buffet, venu chanter en duo avec Johnson. Jimmy «Margaritaville» Buffet, le lendemain du spectacle de The Stooges. Sans blague.

Franchement, rien à redire. Sinon... Sinon que l'année prochaine, le festival Osheaga devra, une fois de plus, négocier son problème d'image. Jack Johnson, c'est un concert pour la famille. Osheaga devrait être un festival de musiques alternatives. Ou non, mais alors qu'on se décide, à la fin...