Les fans de l'influent Wu-Tang Clan auront enfin leur revanche. Lors du concert du groupe en avril dernier, le clan était un peu trop décimé au goût des fans, qui regrettaient notamment l'absence de son architecte sonore, RZA.

«Quand ça? Personne ne m'a dit que le Wu-Tang avait joué à Montréal, assure-t-il. J'ai un problème avec le fait qu'on annonce que le Wu-Tang est en concert, alors qu'il manque des 'homies'... Franchement, tout ça, c'est souvent des histoires de business. Ces temps-ci, je n'ai plus envie de faire du business; je veux faire de la musique.»

Après avoir dirigé presque tous les détails de la destinée du clan au milieu des années 90, après avoir porté le collectif au sommet de la gloire, Robert Diggs, alias RZA, fait de plus en plus office d'électron libre, bien qu'il demeure attaché à son groupe. «Wu forever, c'est sûr. Ce sont mes 'homies', le groupe va toujours durer.»

«Ces derniers temps, j'établis mon horaire de travail en fonction des projets qu'on me commande, poursuit-il. Là, en plus de lancer mon nouvel album, je complète la trame sonore pour la suite d'Afro Samurai», une série animée télé américaine pour laquelle Samuel L. Jackson fait la voix du personnage principal.

La composition de trame sonore est une discipline toute désignée pour le «son» RZA. À l'instar de DJ Premier (Gangstarr), RZA a peint ses couleurs sonores en déterrant les trésors du soul et du funk des années 60 et 70.

Les références à la spiritualité orientale, aux films de samouraïs et de kung-fu et aux échecs (un thème majeur sur Liquid Swords, réalisé pour son cousin Genius) sont autant d'oripeaux qui confèrent aux productions de RZA cette atmosphère sombre, parfois lugubre (son projet Gravediggaz l'illustre parfaitement) et souvent avant-gardiste. RZA a signé sa première musique de film pour Ghost Dog de Jim Jarmush, en 1999. En 2004, Quentin Tarantino l'engageait pour la trame sonore des deux volumes de Kill Bill.

Ce soir, c'est sous le costume de Bobby Digital, l'un de ses nombreux pseudonymes, que RZA s'amène au Métropolis pour nous présenter le matériel de son nouvel (et inégal) album solo, Digi Snacks. Bobby Digital, personnage torturé qui succombe aux vices (drogue, sexe et alcool), revient chevaucher les rythmiques souvent savoureuses de ce producteur au son reconnaissable entre tous.

«La création de 8 Diagrams (dernier album du Wu-Tang) a été difficile. Les critiques ont été bonnes, mais les gars étaient insatisfaits de certains rythmes que je leur proposais, et ça m'a blessé. Pas facile de contenter tout le monde. J'ai ensuite senti le besoin de me lancer dans mes projets personnels, pour me satisfaire, moi, et personne d'autre. Retrouver ma liberté. Et c'est ce que Bobby Digital me permet: je ne dépends de personne, je fais tout ce qui me passe par la tête. C'est important de s'accorder ces moments de liberté, surtout lorsqu'on fait de la musique.»

«Pour moi, Digi Snacks est un album plein d'humour, varié, avec des rythmes qui me plaisent vraiment. Ça fait du bien de sortir un truc comme ça. Pour être honnête avec toi, y'a tellement de bon matériel soul et funk qui n'a pas encore été déterré que j'ai l'impression que la source est intarissable. Le problème dans tout ça, c'est d'obtenir les droits pour utiliser les échantillonnages. Ça coûte une fortune. Sur Digi Snacks, y'a des échantillons, mais la plupart du temps, j'engage des musiciens pour rejouer les échantillons». RZA fait lui-même les claviers sur ses albums et ceux du Wu-Tang.

Lorsqu'il ne travaille pas, RZA s'adonne à un de ses passe-temps favoris: les échecs. Une passion qu'il partage d'ailleurs avec son cousin Genius. Tellement que le musicien a récemment inauguré une nouvelle communauté virtuelle, wuchess.com.

«WuChess est un site où on invite les fans du Wu-Tang, mais aussi les férus d'échecs. Tu sais, dans les quartiers, y'a pas mal de jeunes qui jouent aux échecs, et je crois que ces jeunes-là ont un esprit plus développé que la moyenne grâce à ça. Ce n'est pas seulement qu'un site pour jouer aux échecs, c'est aussi un endroit pour réunir les gens de partout dans le monde, créer un esprit de communauté.»

«C'est un jeu d'habilité intellectuelle, ajoute-t-il. Y'a de grands joueurs de partout dans le monde, des ghettos et des milieux aisés... Peu importe ton origine, si t'as l'intellect, tu peux te mesurer à n'importe qui.»