Il y a un peu, beaucoup de Kavanagh en Badouri. Si le premier n'était pas monté sur scène à l'âge de 19 ans pour jouer au gars raciste, l'autre n'aurait peut-être jamais imité Michael Jackson lors d'un gala au Théâtre Saint-Denis, il y a trois ans. Badouri nous parle de son idole. Kavanagh vante son homologue.

À 17 ans, Rachid Badouri fait de l'impro et s'imagine faire de la scène comme Anthony Kavanagh. Pendant l'entracte d'un spectacle à Laval auquel son idole participe, le jeune Badouri prend son courage à deux mains et frappe à la porte de la loge de l'humoriste. La rencontre sera déterminante pour l'ado.

«Anthony a été super gentil avec moi, se souvient Badouri qui s'est rapidement fait sermonner par son coach d'impro : «Rachid, laisse donc Anthony tranquille!... En passant, Anthony, as-tu déjà vu l'imitation que fait Rachid de Michael Jackson?»

Badouri s'exécute. Anthony l'accompagne en bruitant un air de Jackson. «Avant que je quitte la loge, Anthony m'a dit : la prochaine fois, c'est sur une scène que je veux te voir. À l'époque, je retenais 0,4 % de ce qu'on me disait. Celle-là, je l'ai retenue! Je ne portais plus à terre!»

On connaît maintenant la suite : il y a trois ans, après avoir été agent de bord et vendeur dans un Future Shop, Rachid Badouri, inconnu du public, fait un tabac sur la scène du Théâtre Saint-Denis, un soir de gala. Exactement comme son idole, 16 ans plus tôt. «On a plusieurs points en commun, note Kavanagh. Comme moi, il arrivait de nulle part, c'est une minorité visible et il imite Michael Jackson.»

Comme Kavanagh, Badouri est une carte de mode. Il met aussi ses cordes vocales et toutes les parties de son corps au service de ses gags. Pas étonnant qu'on ait rapidement comparé le Marocain à l'Haïtien! «C'est flatteur», estime Kavanagh qui a réentendu parler de Badouri alors qu'il était en France. «On m'a dit : il y a un gars qui te ressemble. Le nouveau toi!»

Un coup de vieux? «Ça fait vieillir, oui. Je ne vais pas le cacher, avoue Kavanagh. Mais pas mal. On est alors obligé de réaliser qu'on a de l'expérience, qu'on n'a plus 25 ans, même si on les a encore dans sa tête.»

Le 12 juillet, soit dans deux jours, Anthony Kavanagh célébrera ses 19 ans de carrière! Il n'a que 38 ans... Depuis ses débuts à Juste pour rire, il a fait parti des Bleu poudre, joué dans des comédies télé ici, a traversé la flaque pour faire des spectacles, animé plusieurs émissions diffusées à heure de grande écoute, joué et fait des voix dans des films (Agathe Cléry et le dessin animé Madagascar : Escape 2 Africa) sortent l'automne prochain en France).

Une inspiration évidente pour Rachid Badouri qui espère un jour faire carrière aux États-Unis et en France. «Les États-Unis, c'est un rêve, à cause de mon amour pour le cinéma, explique-t-il. Et la France, ça devient de plus en plus concret. Mais on cherche une stratégie qui va entraîner le moins de conséquences possible sur ma carrière ici. Je ne veux pas annuler ma présente tournée. Je ne veux pas non plus qu'on me dise : tu t'installes là-bas quatre ans et on voit ce qu'on peut faire.»

Kavanagh serait de bon conseil pour favoriser la percée de Badouri dans l'Hexagone. «Percer en France, c'est beaucoup de travail et énormément de sacrifices, dit Kavanagh. On recommence à zéro et il y a beaucoup de compétition. C'est aussi moins facile de passer à la télé, car il y a moins d'émissions où on peut faire de la promotion. Mais jouer ailleurs, c'est magique!»

Rachid Badouri devra avoir une écoute attentive s'il lorgne d'autres pays. «La musique est universelle, mais l'humour est culturel, dit Kavanagh. On peut composer une chanson en chinois, la présenter en Suède et avoir du succès. Pour faire de l'humour, il faut comprendre la langue et les références du pays où l'on va jouer. Il faut y passer du temps. D'un pays à l'autre, je pose des questions, j'appelle des gens pour me renseigner.

«Je lisais récemment dans une revue américaine que, d'après une étude en psychologie, ce sont les humoristes qui ont le plus de hauts et de bas en carrière, ajoute Kavanagh. On est seul à l'hôtel. On n'est pas avec un groupe, une troupe... Je me souviens d'être parti et de m'être senti seul à Paris, d'aller seul au resto. J'étais loin de ma blonde. On ne se voyait qu'aux deux mois. Ça a fait du mal à notre couple.»

Et si Badouri mettait d'abord le cap sur le Maroc? «Pour y percer, il devra réussir en France, affirme Kavanagh. Où des Jamel ont été accueillis en héros après avoir fait leur marque à Paris.»

Anthony Kavanagh donne ses conseils alors qu'il sera très présent au Québec, en 2008. Il vient de présenter deux fois son nouveau spectacle solo Anthonykavanagh.com dans le cadre du festival Juste pour rire. Il reviendra en septembre et octobre pour une tournée de 25 dates au Québec. «Je suis très content, mentionne-t-il. Les billets se vendent bien. J'avais peur qu'on m'ait oublié. Plus maintenant!»

Rachid Badouri a profité de la présence de son idole au Québec pour l'inviter à une des représentations de son spectacle Arrête ton cinéma!, qu'il donnera du 13 au 15 juillet, à la Place des Arts. «Anthony va être dans la salle! S'il avait décliné l'invitation, je lui aurais tordu un bras! blague Badouri. J'attends la tape sur l'épaule en sortant de scène!»