K pour Katerine Gierak, née à Paris de parents polonais. Grande, solide, électrique, bâtie sur une charpente de nerfs, le genre à qui on répond d'accord lorsqu'elle demande de sortir les ordures. Elle a le regard direct, le débit rapide, la réplique instantanée. Et que dire de cette poignée de main, qu'on pourrait aisément qualifier de virile.

Ça me vexe, premier album de Mademoiselle K, s'est vendu à plus de 75 000 exemplaires en France. Elle n'est donc pas une illustre inconnue chez elle comme elle l'est encore ici - il ne faut donc pas la confondre avec une autre K de Montréal, qui fait dans la world polie et bien élevée.

On rencontre la chanteuse française aux (très) modernes bureaux parisiens d'EMI, où elle enchaîne les interviews afin de promouvoir Jamais la paix, deuxième album de son groupe.

«Il a été créé avec l'énergie de la scène, amorce-t-elle. Avant d'entrer en studio, nous avions fait beaucoup de dates en Europe, surtout en France. Ainsi, ce disque a été fait dans le non-repos permanent, dans l'enchaînement infernal des événements. Il a été composé à quatre, résultante de jams - sauf la chanson Alors je dessine. Les textes sont de tous de moi et j'assure la direction artistique.»

Elle a beau se chauffer au rock, Mademoiselle K ne provient pas exactement de cette culture: «Mon père écoutait Abba, Claude François, la variété française ou de la musique d'Europe de l'Est (tzigane, notamment), alors que ma mère écoutait plus de musique classique. Sauf exception, je n'avais pas d'albums rock à la maison, j'ai découvert le genre en écoutant la radio. J'ai tout de suite préféré le rock anglo-saxon au rock français. J'ai toujours trouvé le groove des groupes anglais ou américains supérieur à celui de Noir Désir, par exemple. Je suis fan de Radiohead, de Led Zeppelin, de David Bowie ou des Pixies.»

À l'écoute de ses albums, on peut trouver anachronique que cette presque punk ait écouté beaucoup de musique classique (et même du jazz). Et qu'elle ait fait le conservatoire en guitare classique en plus de poursuivre des études de musicologie à la Sorbonne!

Qu'a-t-elle à répondre pour sa défense? «J'ai arrêté la guitare classique parce que j'écrivais des poèmes. À un moment donné, j'ai eu envie de les chanter et je me suis dit: c'est ça! J'avais 20 ans, et je n'ai fait que des chansons depuis», explique la rockeuse de 27 ans, qui dit également aimer Jacques Prévert, Guillaume Apollinaire, Marcel Proust ou Francis Ponge. Si Mademoiselle K apprécie la complexité dans la littérature, elle semble préconiser cette approche qui consiste à dire plus avec moins, à l'image de certains paroliers anglo-saxons.

«J'aime la puissance et l'énergie du rock, mais je ne compte pas me limiter au genre pour le troisième album. Je compte bien exploser tout ça dans les harmonies, les rythmes et les timbres, tout en conservant une énergie rock», prévoit-elle.

D'apparence radicale, Katerine Gierak révèle donc un raffinement certain qui finira bien par ressurgir dans son expression. Pour les mots, cependant, elle estime que le processus est amorcé: «Par rapport au premier album, je suis allée plus loin. C'est plus poétique, j'ai visité d'autres planètes. Chaque chanson comporte des images que j'ai développées jusqu'au bout. Dans l'ensemble, ces textes ont plus de profondeur.»

Ainsi, Maman XY aborde le thème de l'identité et du besoin des gens qu'on aime. Espace aborde la peur qui empêche de vivre, Pas des carrés résume poétiquement la fin douloureuse d'une liaison amoureuse, et ainsi de suite. Il y est évidemment question de fragilité, ce qui n'est pas sans évoquer les tréfonds de la parolière. «Oui, je suis quelqu'un d'angoissé, qui se prend pas mal la tête.»

Gant de fer, main de velours...

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Mademoiselle K se produit ce soir, 20 h, Zone Molson Dry. Demain au Cabaret Juste pour rire, 22 h, elle partage le programme avec Anik Jean.