Avant les pluies torrentielles d'hier, le Festival international de musique haïtienne avait d'ores et déjà attiré environ 18 000 spectateurs au parc Jean-Drapeau. Dans une ambiance paisible et un cadre familial convivial, une foule considérable est venue vibrer au son de toutes les musiques haïtiennes.

Même la pluie n'a pas empêché quelques milliers de festivaliers fervents d'assister à la série de concerts du festival, coiffée par la performance de Tabou Combo, qui célébrait hier 40 ans de konpa sous un ciel providentiellement dégagé. Le supergroupe était précédé par le chanteur Alan Cavé, qui fait dans le konpa love et le zouk love, une approche plus lascive que le konpa direct.

Voilà qui constitue de loin LA grande fête afro-montréalaise de l'année, présentée dans le cadre des Week-ends du monde, qui s'échelonneront tout l'été au parc Jean-Drapeau.

Hier et samedi, donc, les meilleurs groupes konpa et autres représentants des différents styles de musique haïtienne se sont succédé à un rythme d'enfer jusqu'aux alentours de 23 h.

En tout début de soirée, samedi, les Haïtiens de Montréal ont découvert BélO, un auteur-compositeur-interprète de Pétionville qui fait dans le raganga. Bien infusé dans la musique de l'île magique, ce mélange de reggae/soul n'a manifestement pas encore conquis l'ensemble de la communauté. Intrigués par cet artiste de Pétionville, qui a toutes les chances de déborder largement le cadre d'Haïti et sa diaspora, les spectateurs ont apprivoisé BélO sans lui réserver le même accueil qu'aux formations qui lui ont succédé, pour la plupart consacrées au konpa.

Nikel, Black Parents, Do-La, Kreyol La, T-Vice, Carimi et Djakout Mizik ont tour à tour embrasé le parc Jean-Drapeau avec les feux d'artifice en toile de fond. Les fans étaient carrément survoltés lorsque les trois dernières formations au programme ont balancé ce konpa nouvelle génération, beaucoup plus rapide et plus corrosif qu'en salle - la formule «bal» est plus sensuelle, alors que le konpa se rapproche d'une forme merengue-rock lorsqu'il est joué sur les grandes scènes extérieures.

D'autres genres musicaux d'Haïti ont aussi été joués au festival, notamment cette musique très antillaise des guitaristes Toto Laraque et Claude Marcelin. Bamboche Rasin a, pour sa part, repris un ensemble varié de rythmes sacrés (vaudous) et profanes, dans la lignée des formations comme Boukman Eksperyans - très en vogue dans les années 90.

Le puissant chanteur Steve K, lui, a offert une performance teintée de soul/R&B. Il précédait ainsi le guitariste et chanteur Harold Faustin, dont le style virtuose amalgame les musiques haïtiennes (vaudou, notamment), le jazz moderne ou même la soul/R&B.

Courtes performances

Au plan de la logistique, la seule critique qu'on doit adresser aux producteurs de ce très beau festival (Sakpasé Montréal), c'est le trop grand nombre de groupes au programme, ce qui contraint ces derniers à donner des performances trop courtes - à peine plus d'une demi-heure. Enfin, une question demeure: un festival exclusivement haïtien, aussi bien organisé que celui de Montréal (troisième année d'existence sans entrave aucune), peut-il vraiment sortir de son cadre communautaire?

Sauf exception, seuls les proches des Haïtiens (amis, membres des familles par alliance, amateurs de musique antillaise) se sont rendus au parc Jean-Drapeau pour célébrer cette grande culture musicale, beaucoup plus diversifiée qu'on ne le croit.

Ronnie Dee, le plus célèbre des animateurs haïtiens de radio dans notre île, s'est adressé surtout en créole à l'auditoire, vu sa composition presque exclusivement haïtienne ou antillaise. Alors? Pour que l'on déborde du cadre communautaire, il faudrait une autre approche... qui ne serait plus strictement haïtienne. Et puisque les Nuits d'Afrique n'envisagent pas de fusion avec les manifestations qui lui font désormais concurrence, ce cadre communautaire risque de rester comme tel, aussi réussi soit-il.