Il est sobre et classique, le Malade imaginaire de la Comédie-Française, qui a traversé l'Atlantique à l'invitation du festival Juste pour rire. Réglée et polie à la perfection - avec 250 représentations dans le corps, les acteurs jouent quasiment les yeux fermés - la production de la prestigieuse troupe se laisse pourtant déguster comme un délicieux festin comique.

Difficile de faire autrement, lorsque votre distribution réunit des acteurs de la trempe d'Alain Pralon (qui compose un Argan névrosé, sec et cassant) ou de Catherine Hiegel (qui vole la vedette en Toinette tantôt bienveillante, tantôt caustique.) À leurs côtés s'exécutent une douzaine de comédiens virtuoses et huit musiciens, qui recréent la dernière pièce de Molière avec justesse et précision.

À d'autres la tâche de réactualiser ou de relire Molière: c'est la tradition dans ce qu'elle a de plus intemporelle que nous offre la Comédie-Française. Dans un souci de frugalité, Claude Stratz (disparu en avril 2007) a opté pour le minimalisme (voire une certaine austérité), dans cette mise en scène qui laisse toute la place à la finesse de la comédie. Et qui, en fin de compte, suggère en toute subtilité le spectre de la mort qui plane sur la dernière pièce de Molière.

Pendant les trois actes de cette comédie, on est ainsi attendri et amusé des angoisses hypocondriaques de cet Argan que Molière a lui-même joué, alors qu'il était réellement mourant, à la fin de sa vie. On se régale aussi des manigances de la calculatrice épouse Béline, qui dorlote son bien-aimé tout en attendant qu'il trépasse pour enfin toucher à son héritage.

Irrésistible, Catherine Hiegel se démène dans les habits de Toinette, qui se déguise en médecin pour convaincre son maître de manger mieux et de faire preuve d'un peu de raison. Sans parler des déboires amoureux d'Angélique (la fille d'Argan), qui souhaite épouser le pauvre (et charmant) Cléante, plutôt que Thomas le moche médecin (que veut lui imposer son hypocondriaque de géniteur.)

Comme il se doit, l'affaire se termine par un grand bal que la Comédie-Française recrée de manière fort belle et poétique. Rien qui dépasse, pas de flafla, juste un classique rendu de manière impeccable. De la visite rare, qui grave la scène du TNM d'un véritable moment de grâce. Tout est là. Il n'y a rien à réinventer.

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Le malade imaginaire, de Molière, dans une mise en scène de Claude Stratz, jusqu'au 26 juillet au TNM.