Le second procès de Bill Cosby pour agression sexuelle s'est ouvert lundi sur une révélation, celle du montant qu'a accepté de verser, il y a 12 ans, l'acteur à sa victime présumée, soit 3,38 millions de dollars US.

L'existence d'un accord amiable conclu en 2006 pour solder une action au civil intentée par Andrea Constand était connu, mais pas la somme payée par le comédien âgé aujourd'hui de 80 ans.

En citant ce montant, l'accusation a pris de court la défense, qui était pourtant à l'origine d'un recours réclamant de pouvoir évoquer la somme à l'audience.

Le nouvel avocat de Bill Cosby, Tom Mesereau, souhaitait ainsi alimenter une ligne de défense qui devrait dépeindre Andrea Constand comme manipulatrice et cupide, guidée par l'argent.

M. Mesereau est devenu célèbre en 2005 en obtenant l'acquittement du chanteur Michael Jackson, accusé d'attouchements sur des enfants, faisant notamment valoir que les allégations venaient de gens décidé à mettre la main sur une partie de la fortune de l'interprète de Thriller.

Lancé dans une attaque préemptive, le procureur du comté de Montgomery, Kevin Steele, a défendu la victime présumée, rappelant que son équipe était seule à l'origine, fin 2015, de la réouverture du dossier, qu'Andrea Constand n'avait pas demandée.

Symbole de promotion sociale afro-américaine et de droiture morale jusqu'à son inculpation en décembre 2015, Bill Cosby est accusé d'avoir agressé sexuellement cette ancienne cadre universitaire à son domicile en janvier 2004, après lui avoir fait avaler un puissant sédatif.

Après une matinée à débattre d'un dernier recours de la défense, qui a tenté, en vain, de faire écarter un juré, les débats ne se sont ouverts lundi qu'en milieu d'après-midi dans la petite ville de Norristown, à 30 kilomètres au nord-ouest de Philadelphie.

#MeToo en toile de fond 

Il s'agit du second procès du comédien américain, après l'annulation du premier, en juin 2017, faute d'unanimité du jury.

Presqu'un an plus tard, le contexte n'a plus grand-chose à voir pour celui qui s'invita dans les postes de télévision du monde entier avec The Cosby Show (1984-1992), devenant une célébrité bien au-delà des États-Unis.

Entre-temps a éclaté le scandale Weinstein, puis le mouvement #MeToo, qui a parfois pris des allures de grande purge du monde du divertissement, de la politique et des médias, les accusations tombant sur des dizaines d'hommes de pouvoir.

Signe de cette tension nouvelle, une militante Femen a couru vers Bill Cosby alors qu'il se dirigeait vers l'entrée du tribunal, lundi matin, avant le début de l'audience, aux cris de «Women's Lives Matter» (les vies des femmes comptent).

À moitié nue, couverte d'inscriptions, dont «Cosby rapist», Nicolle Rochelle a rapidement été maîtrisée par la police, avant d'être inculpée, plus tard dans la journée, pour trouble à l'ordre public.

Apparue dans plusieurs épisodes du Cosby Show, elle a indiqué aux journalistes présents n'avoir jamais été maltraitée par Bill Cosby.

AFP

Tom Mesereau

Si plus de 60 femmes ont accusé Bill Cosby de les avoir abusées sexuellement au fil des années, le dossier d'Andrea Constand - qui aura 45 ans mercredi - est le seul dont les faits ne soient pas prescrits.

«Cette affaire est une représentation de la manière dont ce pays a traité la violence sexuelle ces 50 dernières années», a estimé Sonia Osorio, qui dirige l'entité new-yorkaise de la National Organization for Women, une association de soutien aux femmes, et faisait partie des manifestants rassemblés devant le palais de justice.

Outre le #MeToo en toile de fond, la défense fait face à une autre difficulté nouvelle par rapport au premier procès: cinq victimes présumées de Bill Cosby ont été autorisées par le juge Steven O'Neill à témoigner pour l'accusation, en plus d'Andrea Constand. Toutes affirment avoir été, elles aussi, victimes d'abus après avoir été droguées.

Il n'y en avait qu'une au premier procès, mise à rude épreuve par la défense. Elle ne reviendra pas cette fois.

S'il est jugé coupable, Bill Cosby - qui a toujours assuré qu'Andrea Constand était consentante - risque jusqu'à 30 ans de prison. Et ses espoirs de revenir un jour à la scène s'évanouiraient à jamais.

AP

Andrea Constand