L'incompréhension demeure totale entre le milieu culturel et la ministre du Patrimoine canadien, Mélanie Joly, depuis que celle-ci a déposé sa politique culturelle.

Une rencontre entre la ministre et l'Union des artistes, mardi à Montréal, a démontré le fossé qui sépare Mme Joly du milieu, qui lui reproche d'avoir accordé un traitement de faveur à Netflix au détriment des entreprises culturelles canadiennes.

La présidente de l'Union des artistes, Sophie Prégent, estime que la position de la ministre devient de plus en plus difficile à défendre et que celle-ci a mal évalué l'impact de sa politique et particulièrement de l'entente entre son gouvernement et le géant Netflix.

«Peut-être qu'elle a sous-estimé la fureur du métier, du terrain. Je pense qu'elle ne l'a pas vue venir», a déclaré Mme Prégent à la sortie de la rencontre.

«Je pense qu'elle pensait vraiment que l'entente Netflix était pour nous une forme d'accalmie alors que c'est le contraire: le feu a pris partout de toutes parts», a ajouté la présidente de l'UDA.

Mme Prégent a reproché à la ministre le côté vague de ses intentions et promis de continuer de s'opposer à l'entente avec Netflix et à toute autre entente du genre avec d'autres géants du web.

«De la part de Mme Joly, il n'y a rien de clair; nous, nos demandes vont se préciser de plus en plus», a-t-elle promis.

L'UDA entend parallèlement s'attaquer aux aspects législatifs et réglementaires de façon à assurer la pérennité de la production culturelle et estime qu'il faudra, pour y arriver, se tourner du côté des fournisseurs d'accès internet s'il est impossible d'intervenir.

«La bataille va être là, a tranché Mme Prégent. Ultimement, si on n'a pas la législation pour agir sur les Netflix de ce monde, montons un peu plus haut et allons voir les fournisseurs d'accès internet.»

La ministre Joly, pour sa part, a dit «entendre» les inquiétudes du milieu au sujet de Netflix, mais s'est immédiatement réfugiée derrière le discours qu'elle a adopté depuis la présentation de sa politique culturelle, la semaine dernière.

«L'enjeu n'est pas là; l'enjeu, c'est comment on peut travailler ensemble pour se doter des outils pour protéger notre culture sur l'internet», a-t-elle déclaré à l'issue de la rencontre.

Bien que Netflix soit soumis aux diverses taxations de la plupart des pays à travers le monde, Mme Joly persiste à se défendre de lui avoir octroyé un statut privilégié par rapport aux autres fournisseurs canadiens semblables tels Tou.TV ou Illico, en l'exemptant de la TPS.

«Premièrement, je n'ai pas négocié de congé fiscal avec Netflix, a-t-elle répété. Deuxièmement, je n'ai pas négocié quelconque forme d'interventionnisme, donc je n'ai pas dit qu'on ne ferait aucune loi pour protéger les différents géants du web.»

Mme Joly a de nouveau insisté sur l'engagement de Netflix d'investir 500 millions $ sur cinq ans dans la production canadienne, affirmant qu'elle avait le pouvoir de contraindre l'entreprise américaine si celle-ci ne se conformait pas à l'entente.

La ministre a également beaucoup insisté sur l'importance du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC), de qui elle attend un rapport sur «les nouveaux modèles d'affaires à l'ère du web» et, surtout, «quels sont les joueurs qui devraient contribuer» pour assurer la pérennité du système.

Quant à une éventuelle contribution des fournisseurs d'accès internet à la production de contenu canadien, Mélanie Joly a dit «espérer» que les entreprises qui bénéficient du nouveau modèle d'affaires y participent.