Le jury du procès de Bill Cosby a suspendu jeudi soir ses délibérations et reprendra son travail vendredi matin, le juge leur demandant de poursuivre bien que les jurés se soient déclarés dans l'impasse à la mi-journée.

Les délibérations ont déjà duré 39 heures, étalées sur quatre jours, sans que les douze membres du jury ne soient parvenus à s'entendre à l'unanimité sur aucun des trois chefs d'accusation.

La justice américaine requiert l'unanimité du jury pour qu'un verdict puisse être prononcé.

En fin de matinée, jeudi, le jury avait indiqué au juge Steven O'Neill qu'il se trouvait dans une impasse.

Bill Cosby est accusé d'agression sexuelle sur Andrea Constand, à son domicile, début 2004. Il a reconnu s'être livré à des attouchements ce jour-là, mais assure que la relation était consensuelle.

Rendu célèbre par la série télévisée The Cosby Show (1984-1992), Bill Cosby risque jusqu'à 30 ans de prison.

Si Andrea Constand est la seule pour laquelle les faits ne soient pas prescrits pénalement, plus de soixante femmes ont également accusé le comédien de 79 ans, icône de la culture populaire américaine.

En cas d'impasse, la loi de Pennsylvanie, où se déroule le procès, permet au juge d'ordonner aux jurés de poursuivre leurs travaux. C'est ce qu'il a fait jeudi.

«Si après de nouvelles délibérations, vous êtes toujours dans l'impasse, vous devrez me l'indiquer», a expliqué Steven O'Neill aux jurés, selon une formule inscrite au code de procédure pénale de Pennsylvanie.

La loi ne prévoit pas de délai pour ces délibérations.

Les débats ont déjà largement dépassé les 30 heures de huis clos qu'il avait fallu aux jurés du procès de Michael Jackson, en juin 2005, pour acquitter le chanteur des accusations de pédophilie qui pesaient sur lui.

Si l'impossibilité pour le jury de s'entendre sur un verdict se confirmait, elle entraînerait automatiquement l'annulation du procès, un immense camouflet pour l'accusation et une victoire inattendue pour le comédien américain.

Le ministère public aurait encore la possibilité de demander la tenue d'un nouveau procès, mais l'accusation aurait perdu son élan, face à un vieil homme qui fêtera ses 80 ans le 12 juillet.

Il faudrait aussi que le procureur du comté de Montgomery, dans lequel se trouve la résidence de Bill Cosby, s'assure qu'Andrea Constand serait prête à traverser un nouveau procès de plusieurs semaines.

Un juré récalcitrant? 

Dès l'annonce de l'impasse du jury, une poignée de manifestants pro-Cosby s'est présentée sur les marches du palais de justice de Norristown, petite ville de Pennsylvanie où se déroule le procès.

«Free Mr Cosby Now» (Laissez M. Cosby libre maintenant), pouvait-on lire sur une pancarte brandie par l'un d'entre eux.

Plusieurs victimes présumées de Bill Cosby se sont trouvées face à face avec les manifestants. Après avoir tenté un dialogue, l'une d'entre elles, Lili Bernard, qui assure avoir été violée par le comédien en 1992, a fondu en larmes, tombant dans les bras d'une autre femme.

«Aujourd'hui, nous avons vraiment vu M. Cosby obtenir justice», a commenté le porte-parole de l'acteur, Andrew Wyatt, même si les jurés étaient encore à l'oeuvre.

Quelques minutes avant la suspension des délibérations, vers 21h15, le même Andrew Wyatt est revenu à la charge: «Nous devrions mettre un terme à tout cela», a-t-il plaidé.

Rien n'a filtré des délibérations du jury qui, depuis le début de ses travaux, a sollicité à de nombreuses reprises le juge Steven O'Neill pour obtenir des précisions sur le dossier.

«Beaucoup d'entre nous pensons que l'un d'entre eux (un juré) fait de la résistance et empêche les choses d'avancer» vers une condamnation, estime Victoria Valentino (74 ans), un ancien modèle du magazine de charme Playboy qui assure avoir été violée par Bill Cosby en 1969.

Jeudi, le juge a expliqué aux jurés qu'ils ne devaient «pas hésiter à revoir (leur) vision (du dossier) et à changer (leur) opinion».

Pour autant, ils ne devaient pas «se sentir obligés de renoncer à (leur) sentiment (...) du fait de l'opinion» des autres jurés, a-t-il ajouté.

Victoria Valentino est prête à tout, même à un acquittement. Pour elle, l'affaire Cosby a relancé le débat sur le viol et la notion de consentement, ce qui est déjà, en soi, une victoire.

«Avant, il y avait cet éléphant dans la pièce dont personne ne voulait parler», dit-elle. «Même si l'issue n'est pas positive ici, la société aura été transformée grâce à ce débat».