Hier soir à la Place des Arts, l'association Femmes du cinéma, de la télévision et des médias numériques (FCTMN) a célébré son 25e anniversaire. Animée par Chantal Lamarre, cette soirée a rendu hommage à six femmes, dont Dominique Chaloult, Sophie Deschênes, Tracey Deer et Fanny-Laure Malo.

Lorsqu'il est question de la place des femmes dans le milieu du cinéma et de la télévision, les chiffres sont souvent désolants. Or, mieux vaut voir le verre à moitié plein plutôt qu'à moitié vide, nous disent les lauréates du dernier gala de l'association FCTMN.

Questionnées sur la parité hommes-femmes dans les postes clés de création et de direction, celles-ci affirment que nous sommes sur la bonne voie.

«J'ai commencé en 1986 comme directrice de production, dit Sophie Deschênes, présidente et productrice de Sovimage (O', Mensonges, Les pays d'en haut). Il n'y avait pas tant de femmes à l'époque. Des productrices, il n'en pleuvait pas. Mais au fil des ans, il y en a eu de plus en plus. C'est le cycle normal des choses.»

La directrice générale d'ICI Radio-Canada Télé, Dominique Chaloult, avance: «Ça pourrait être mieux, mais ça évolue bien. Oui, il n'y a pas encore assez de femmes en réalisation. Je dirais aussi à l'écran, dont à l'animation. Nous n'y sommes pas encore arrivées complètement. Mais c'est de mieux en mieux. Mon constat est très positif par rapport à ça.»

«Dans mon comité de direction, 8 des 10 directeurs sont des femmes. De plus en plus de femmes sont dirigeantes dans le milieu de la télévision», souligne Dominique Chaloult.

Âgée d'à peine 30 ans, la productrice Fanny-Laure Malo (Sarah préfère la course et Pays) a sensiblement le même discours.

«Lors de la première rencontre du film Pays, le producteur Pierre Even a commencé la réunion en nous disant que c'était la première fois qu'il était le seul homme dans un meeting de production. On n'avait même pas remarqué ! C'est ça qui est génial», dit la lauréate du gala FCTMN.

«Ce n'est pas comme si nous avions fait des efforts pour engager des femmes, nous avons juste engagé les personnes que nous considérions comme les meilleures dans leur domaine.»

Bien entendu, les lauréates ne vivent pas dans un film de Disney et sont bien conscientes des statistiques.

À ce propos, le rapport La place des créatrices dans les postes clés de création de la culture au Québec, produit en 2016 par Réalisatrices équitables, met bien en lumière les inégalités entre les hommes et les femmes.

On peut notamment y lire: «À Téléfilm Canada (2009-2014), les réalisatrices ont reçu 10 % des fonds accordés en long métrage fiction et à la SODEQ (2011-2014), 19 % des fonds.»

Heureusement, ces données sont appelées à changer au cours des prochaines années, puisque l'ONF, Téléfilm Canada et la SODEC ont annoncé des plans d'action pour atteindre la parité entre les hommes et les femmes.

«Je remarque qu'énormément d'efforts sont mis pour changer les choses. Autant les femmes que les hommes semblent vouloir que ça évolue. Et je pense qu'on va y arriver», dit la productrice et réalisatrice Tracey Deer (Mohawk Girls et Club Native).

Tout est possible

Fanny-Laure Malo, Tracey Deer, Dominique Chaloult et Sophie Deschênes affirment toutes qu'elles doivent une partie de leur succès aux femmes et hommes qui les ont élevées en leur disant que tout était possible. Également, à toutes les femmes qui ont défriché le chemin.

«J'ai été élevée par des femmes de carrière», dit Dominique Chaloult, dont la mère est l'attachée de presse Francine Chaloult. Une de ses tantes est Suzanne Lévesque et sa belle-mère est la fondatrice de CIME FM, Colette Chabot.

PHOTO SIMON GIROUX, LA PRESSE

Fanny-Laure Malo

«Ça allait de soi que je pouvais rêver grand. Ce n'était même pas un sujet de discussion pour moi. Je pouvais faire ce que je voulais.»

Même chose pour Tracey Deer, une Mohawk de la communauté de Kahnawake: «J'ai grandi entourée de femmes très fortes. Ma mère m'a toujours dit que je pouvais faire ce que je souhaitais dans la vie. Je suis tellement reconnaissante de ne jamais avoir entendu quelqu'un me dire: "Tu ne peux pas, parce que tu es une femme."»

Quant à Sophie Deschênes, elle rend hommage à son père âgé de 80 ans: «Il appartient à une génération où il y avait de la misogynie et des antiféministes. Mais lui, il me disait que le monde m'appartenait. Quand on t'inculque ça comme valeurs, tu ne te questionnes pas sur ta place par rapport à ton sexe.»

« Lorsqu'un misogyne te lance une remarque déplaisante, il faut juste que tu te dises: "C'est un vieux croûton." Surtout ne pas dépenser d'énergie là-dessus. »

Fanny-Laure Malo conclut: «J'en parle parfois avec ma tante Reine Malo et, à son époque, c'était très différent. Une fille qui avait envie d'étudier, on ne s'attendait pas à ça dans la société. Mais ces femmes ont brisé le moule et elles ont tracé la voie. Sans toutes nos consoeurs qui ont affronté la tempête, sans tout ce travail en amont, ce serait à nous de le faire aujourd'hui. Ce ne serait pas aussi facile pour nous.»

PHOTO SIMON GIROUX, LA PRESSE

Dominique Chaloult