Ras-le-bol de la femme parfaite! Ces jours-ci, Lena Dunham, la créatrice de la série Girls, et Amy Schumer, qui sera à Montréal vendredi, nous proposent une image des femmes sans artifices, plus près de la réalité. Le phénomène s'observe aussi chez nous. De Mariana Mazza à Kim Lévesque Lizotte en passant par Isabelle Langlois, ces créatrices déboulonnent le mythe de la femme toujours en contrôle qui performe dans tout. Mais qui est cette femme imparfaite qui n'a pas peur de se montrer telle qu'elle est?

La femme imparfaite est authentique

Sur la scène comme au petit écran, plusieurs filles cassent l'image de la fille parfaite. C'est le cas de Mariana Mazza. «Moi, je m'habille comme je veux, je montre mon ventre, j'ai fait les recettes pompettes avec une brassière grise ben ordinaire, j'ai des petits seins, pis après? lance l'humoriste avec conviction. Où est le problème?»

Lena Dunham a fait le même choix dans la série Girls, dont la saison finale débute demain sur HBO. Ses personnages sont authentiques, leur vie est réaliste. Résultat: les téléspectatrices s'identifient à eux.

Auteure de la série Les Simone, dont la deuxième saison sera présentée l'automne prochain sur ICI Radio-Canada Télé, Kim Lévesque Lizotte tenait pour sa part à montrer des héroïnes sans fard. «Prenons le personnage de Laurence [incarné par Rachel Graton], souligne-t-elle. Elle est belle, elle a de l'argent, une super job. Mais on la voit pleurer et manger de la crème glacée pendant trois épisodes. J'aurais pu montrer une fille forte qui dit à son chum: je n'ai plus besoin de toi. Mais ça ne se passe pas comme ça dans la réalité.»

La femme imparfaite s'assume

Dans ses spectacles comme dans son autobiographie, Amy Schumer n'a pas peur de parler de ses relations familiales tendues, de sa vie sexuelle pas toujours satisfaisante, de ses excès d'alcool... Elle détonne avec le discours dominant qui exige des femmes d'être en contrôle en tout temps.

Isabelle Langlois fait remarquer que ce type de femmes existait avant mais pas de la même manière. «Quand je pense à ma mère qui nous emmenait ma soeur et moi aux Îles-de-la-Madeleine en fumant ses gitanes dans l'auto, elle était loin d'être parfaite, note la scénariste. Mais on ne disait pas les choses de la même manière à l'époque, on se gardait une petite gêne. "Different shit, same bullshit", comme on dit...»

Les personnages de Kim Lévesque Lizotte, elles, ont l'âge (le début de la trentaine) où la société attend beaucoup des femmes: une vie amoureuse stable, un projet d'enfant, une carrière prometteuse.

Ce n'est jamais assez, remarque-t-elle. «Moi, j'ai un chum que j'aime, une super job, mais on dirait qu'on attend toujours quelque chose de plus de moi. Il faudrait que je sache faire à manger, que je fasse du sport, on me demande si je vais me marier. On n'est jamais assez ceci, ou on est trop cela. Est-ce qu'on peut juste être qui on veut?»

Photo archives AP

Amy Schumer

La femme imparfaite parle de sexualité sans détour

On a beaucoup parlé de la sexualité de la série Girls, une sexualité hyper réaliste, pas glamour pour deux sous et qui se veut le reflet des expériences vécues par les jeunes femmes «dans la vraie vie». La sexualité occupe également une place importante dans le travail d'Amy Schumer et de Mariana Mazza, qui n'hésitent pas à appeler un chat un chat. Pour l'humoriste, c'est tout à fait naturel de «parler de cul».

Dans Les Simone, Nikki, un des personnages imaginés par Kim Lévesque Lizotte, a une sexualité active et assumée. Le public est-il prêt à accepter cette sexualité décoincée? «Il existe encore des préjugés à l'endroit des femmes, croit-elle. Honnêtement, si je les écrivais comme elles sont dans la vraie vie, avec un ex pas loin, des amis au statut pas clair et des dates Tinder à répétition, les gens diraient: c'est trop! On les jugerait. Ce n'est pas vrai qu'on accepte la même chose des femmes et des hommes.»

Photo Hugo-Sébastien Aubert, archives La Presse

Les principales interprètes féminines des Simone Rachel Graton, Marie-Ève Perron, Karine Gonthier-Hyndman et Anne-Élisabeth Bossé

La femme imparfaite ne cherche pas à plaire à tout prix

Pour Kim Lévesque Lizotte, voir une femme s'affirmer dans son imperfection physique, ou être vulgaire ou exubérante, ou ne pas être nécessairement fine et gentille, est déstabilisant pour les autres. «Les hommes sont confrontés à une femme qui n'essaie plus de leur plaire, dit-elle. Et les femmes qui travaillent fort à plaire sont confrontées à une femme qui se libère de ça, donc qui les confronte à leur propre désir d'être parfaite. "Pourquoi elle ne joue pas le même jeu que moi?", "Pourquoi prend-elle le risque de ne plus être aimée, appréciée, désirée?"»

Pour Isabelle Langlois, cet idéal de bonheur et de perfection imposé par la société est à l'origine de nombreux burn-out, comme celui qui accable son personnage principal, Valérie, qui sera obligée de se remettre en question. «Aujourd'hui plus qu'avant, on se fait une idée de ce que le bonheur doit être, de ce qu'est une vie réussie, souligne l'auteure de Lâcher prise. Il faut avoir vécu certaines expériences, cocher des choses sur notre liste. Quand tu es rendue à devoir écrire "avoir du fun" dans ton agenda... c'est rendu grave.»

Photo archives La Presse

Isabelle Langlois

La femme imparfaite se forge une carapace

Il faut voir les commentaires publics que reçoivent Lena Dunham et Amy Schumer pour constater à quel point la femme imparfaite qui s'assume doit avoir une carapace. Les gens peuvent être brutaux. «C'est super les filles imparfaites, lance Kim Lévesque Lizotte. Ça aide à déculpabiliser les gens, mais il faut être faite forte. Car on peut toujours te ramener à ton corps, à ton état de femme-objet. Et c'est toujours fait avec violence. Quand tu veux remettre une femme à sa place, que tu veux lui enlever de la valeur comme artiste et comme être humain, tu lui rappelles qu'elle n'est qu'un corps.»

Mariana Mazza est du même avis. L'humoriste estime qu'il faut des nerfs d'acier pour s'imposer comme personnage public. «Ceux qui écrivent des insultes sur ma page Facebook et qui font "like" pour me bitcher, je les mets dans mon show et je montre leurs messages à tout le monde. Je veux montrer aux gens à quel point ils sont méchants. Ce n'est pas vrai que je travaille comme une folle pour me faire dire par un taouin que je suis ceci ou cela. Ce n'est pas pour ça que je fais ce métier.»

Où les voir?

> La sixième (et ultime) saison de Girls est en ondes depuis samedi, 22h, à HBO.

> Amy Schumer est en spectacle au Centre Bell le 17 février, 20h, et au Canadian Tire Centre d'Ottawa le 18 février, 20h.

> Lâcher prise est diffusé à ICI Radio-Canada Télé les lundis, 19h30.

> Mariana Mazza poursuit sa tournée québécoise jusqu'à l'année prochaine.

> La saison 2 des Simone reviendra cette année à ICI Radio-Canada Télé.

Photo Martin Chamberland, Archives La Presse

Kim Lévesque Lizotte