Membre fondatrice de Pussy Riot, la militante Maria Alekhina sera de passage à Montréal, la semaine prochaine, pour présenter Act and Punishment, un film qui raconte l'histoire du groupe punk russe. En entrevue devant public à la Place des Arts, elle en profitera pour parler de ses actions artistiques et militantes, du climat politique dans la Russie de Vladimir Poutine et de la menace que représente Donald Trump pour l'Amérique. La Presse s'est entretenue avec elle.

La vie après la prison

Emprisonnée en 2012 avec deux autres membres de Pussy Riot pour avoir donné un spectacle anti-Poutine dans une cathédrale orthodoxe, Maria (Sasha) Alekhina a été libérée en décembre 2013. À sa sortie de prison, elle fondait l'agence de presse indépendante MediaZona avec sa complice Nadia Tolokonnikova. «Nous sommes parmi les plus influents en Russie, affirme Maria Alekhina.

Notre agence s'intéresse au monde judiciaire et aux conditions de détention en prison. Elle compte 17 journalistes et éditeurs qui doivent travailler de manière souterraine à cause de la situation politique russe.» Le 9 novembre, Maria Alekhina sera d'ailleurs accompagnée d'Alexandra Lukyanova, alias Sasha Bogino, journaliste à MediaZona. Outre l'agence MediaZona, Nadia Tolokonnikova se consacre surtout à la musique.

Elle vient de faire paraître Make America Great Again, une vidéo anti-Trump. Maria Alekhina, elle, est membre de Belarus Free Theater, une troupe engagée qui présente Burning Doors, une pièce qui porte sur le rôle des artistes dans des sociétés dictatoriales.

La présidentielle américaine

«Je pense que l'Amérique traverse une période difficile, lance Maria Alekhina. On peut regarder ce qui se passe en Russie pour voir ce qui se produit quand un fou furieux se retrouve président. Il fut un temps où personne ne pouvait considérer Poutine sérieusement et regardez la situation maintenant. C'est totalement hors de contrôle. L'Amérique a un choix, et il ne faut pas le manquer. Et comme membre d'un groupe féministe, je crois que ce serait très bien que les États-Unis aient une femme présidente.»

La crise des réfugiés

En décembre dernier, Maria Alekhina était l'invitée d'une troupe de théâtre de rue présente dans le camp de réfugiés de Calais, mieux connu sous le nom de La Jungle, et qui vient tout juste d'être démoli. L'expérience l'a profondément marquée. «Nous avons passé quelques jours à travailler avec les réfugiés, raconte-t-elle. C'est l'expérience la plus forte de mon année. C'est difficile de décrire ce que j'ai vécu en quelques mots, mais je peux dire que ça m'a profondément touchée et que la cause des réfugiés rejoint les causes que je défends. C'est une question importante à laquelle les politiciens doivent absolument se consacrer. Les réfugiés ne sont pas des étrangers, ce sont des personnes qui partagent la même vision que nous de l'Europe, qui risquent leur vie pour traverser les frontières. La moindre des choses, c'est de parler avec eux, de ne pas prétendre qu'ils n'existent pas.» Maria Alekhina a raconté son expérience dans le Huffington Post.

House of Cards

Maria Alekhina et Nadia Tolokonnikova ont fait une apparition dans la troisième saison de la populaire série House of Cards. «C'est arrivé très soudainement. Nous participions aux Pen Literary Awards à New York et nous avons rencontré Beau Willimon qui est scénariste de la série.

Il voulait parler avec nous des conditions de vie dans les prisons russes, et nous avons passé plusieurs heures à discuter. Puis, il nous a demandé de participer à un épisode. Nous ne nous attendions pas à cela. Nous avons dit oui et nous sommes allées tourner à Baltimore. House of Cards est une émission très populaire en Russie. Quand la chaîne qui la diffusait a su que nous avions participé à un épisode, elle a cessé de la diffuser.»

L'avenir de Pussy Riot

«Le concept du groupe a changé avec le temps, constate Maria Alekhina. Des milliers de personnes à travers le monde portent la cagoule pour nous soutenir. Pussy Riot n'est plus un groupe, c'est un mouvement. Je n'ai pas participé aux dernières vidéos de Nadia. Je vis et je travaille en Russie et ma principale préoccupation, c'est ce qui se passe là-bas. Les temps sont durs, il y a des gens emprisonnés et torturés pour leurs idées politiques et c'est ce qui me préoccupe. En Russie, je suis suivie et on lit mon courrier, mais je ne m'en formalise plus. Cela fait partie de la vie. Je pense que ce n'est pas utile de parler de ces problèmes. Nous devons continuer ce que nous faisons. L'attention publique dont nous avons joui nous a donné la responsabilité d'être un modèle. Si nous ne le faisons pas, qui le fera? Est-ce que j'ai peur de retourner en prison? Non. Je crois que la prison n'est pas la pire chose qui puisse m'arriver. Le pire qui pourrait m'arriver serait de devenir indifférente. Ce serait pire que la prison.» 

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Conférence le 9 novembre, à 20 h, au Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts.