À entendre certaines générations se plaindre des torts et des travers des jeunes, on pourrait croire que les bouleversements que vivent les industries culturelles sont imputables aux fameux «enfants du millénaire». Et pourtant, si ces derniers consomment leur culture différemment, ils en sont plus friands que leurs aînés, révèle un sondage CROP réalisé pour La Presse. Portrait d'une génération qui chamboule nos habitudes.

Les jeunes et la culture font la paire

Les données sont frappantes: dans presque tous les domaines culturels, les jeunes âgés de 18 à 34 ans consomment davantage de culture que les adultes de plus de 35 ans. C'est aussi vrai en cinéma qu'en théâtre et en... musique classique!

(Pourcentage des répondants qui font ces activités culturelles au moins une fois par mois)

Aller au cinéma 

18-34 ans: 31 %

35 ans et plus: 15 %

Aller dans les festivals 

18-34 ans: 13 %

35 ans et plus: 3 %

Assister à un concert de musique populaire

18-34 ans: 11 %

35 ans et plus: 2 %

Assister à des spectacles d'arts de la scène (À l'exclusion du théâtre et de la musique)

18-34 ans: 10 %

35 ans et plus: 2 %

Visiter un musée 

18-34 ans: 9 %

35 ans et plus: 2 %

Aller au théâtre

18-34 ans: 8 %

35 ans et plus: 2 %

Assister à un concert de musique jazz

18-34 ans: 9 %

35 ans et plus: 2 %

Assister à un concert de musique classique

18-34 ans: 9 %

35 ans et plus: 1 %

L'analyse d'Alain Giguère, président de CROP

«Sans manquer de respect pour les gens plus âgés, il y a une vitalité formidable chez les jeunes. On est passionné à cet âge-là, c'est génétique, c'est hormonal! Quand tu as 25 ans, tu veux tout voir, tu as une force qui t'amène à sortir, mais la vie te rattrape ensuite.»

Passionnés de culture: oui, mais...

Si les jeunes consomment davantage de culture que les gens plus vieux, s'attarder à ce qu'ils consomment permet d'apporter quelques nuances. Alain Giguère, président de la firme de sondage CROP, a divisé les répondants âgés de 18 à 34 ans en différents groupes de consommateurs culturels. Ceux qui consomment la Culture avec un grand C (théâtre, danse, musique classique...) et les enthousiastes (ceux qui consomment plus de culture que tous les autres jeunes) demeurent malgré tout minoritaires.

Les différentes familles de consommateurs culturels chez les 18-34 ans

Le «streameux» (YouTube, Netflix, autres plateformes de diffusion web): 26 %

L'adepte des médias traditionnels: 19 %

L'inintéressé (mais il joue à des jeux vidéo): 17 %

Le lecteur: 16 %

L'enthousiaste: 13 %

L'adepte de la Culture (avec un grand C): 9 %

En anglais, S. V. P.!

60 %: C'est le pourcentage des jeunes de 18 à 34 ans qui préfèrent la musique en anglais, alors qu'ils sont 13 % à choisir la musique en français. Quelque 28 % des répondants de ce groupe d'âge affirment n'avoir aucune préférence. Chez les adultes de 35 ans et plus, 39 % n'ont aucune préférence entre l'anglais et le français, alors que 37 % préfèrent la musique en anglais; 25 % choisissent la musique en français.

L'analyse d'Alain Giguère, président de CROP

«Avec les sites comme YouTube et les médias sociaux, les jeunes sont infiniment plus exposés au phénomène de la mondialisation culturelle que les générations précédentes. La culture américaine a aujourd'hui des moyens de diffusion plus puissants qu'autrefois, alors que les vedettes québécoises n'ont pas cette même force dans les nouveaux médias.»

Séduits par les bandes-annonces

Lorsque vient le temps de choisir un film ou une série télé, les bandes-annonces trônent au sommet des sources d'information des Québécois. Selon le sondage CROP, 55 % des répondants (autant les 18-34 ans que les 35 ans et plus) les regardent. Chez les jeunes de 18 à 34 ans, les recherches sur l'internet arrivent au deuxième rang des sources d'information sur les films et séries. Pour les gens de 35 ans et plus, c'est plutôt les critiques des médias traditionnels qui arrivent en deuxième position.

L'analyse d'Alain Giguère, président de CROP

« S'ils veulent lire la critique d'un film, les jeunes iront faire une recherche sur l'internet. Si la première critique qui sort est celle [d'un média traditionnel], ils vont la lire. Les jeunes consomment du contenu sur l'internet et, si vous y êtes, ils vous lisent. [...] Le problème [pour les médias traditionnels], c'est que s'ils vous lisent sur l'internet, ça rapporte peu en revenus publicitaires. »

On s'informe... différemment

Quand vient le temps de s'informer, les jeunes de 18 à 34 ans consultent les médias sociaux comme Facebook (42 % d'entre eux) presque autant que la télévision (41 %). Le contraste est frappant avec les adultes de 35 ans et plus, qui préfèrent de loin la télévision (71 %), alors que les médias sociaux n'attirent que 13 % d'entre eux.

S'il faut choisir, que garder?

La firme de sondage CROP a demandé aux répondants quel média ils garderaient s'ils devaient faire un choix parmi tous ceux qu'ils consultent. Si les jeunes de 18 à 34 ans choisissent en majorité YouTube (44 %), suivi de la télévision (39 %), les adultes âgés de 35 ans et plus ont une préférence marquée pour la télévision (72 %)... suivie de la radio (47 %)!

Quel média garderiez-vous?

18-34 ans

1-YouTube et autres chaînes sur l'internet (44 %)

2-La télévision (39 %)

3-Les jeux vidéo (35 %)

4-Netflix et autres services de commande de films ou de séries (33 %)

5-Les applications de musique en diffusion en continu (25 %)

35 ans et plus

1-La télévision (72 %)

2-La radio (47 %)

3-YouTube et autres chaînes sur l'internet (30 %)

4-Les jeux vidéo (17 %)

5-Netflix et autres services de commande de films ou de séries (15 %)

L'analyse d'Alain Giguère, président de CROP

«Le clivage générationnel est magnifique ici: YouTube chez les jeunes, contrairement aux médias traditionnels chez les gens plus âgés. Il reste qu'il y a encore beaucoup de monde, même chez les jeunes, qui regarde la télévision. YouTube prend toutefois de l'avance, et ça va continuer ainsi.»



La télé résiste, mais l'internet gagne du terrain


La firme de sondage CROP a demandé aux répondants quels types de médias ils consommaient. À cette question, une majorité de jeunes de 18 à 34 ans ont répondu regarder du contenu sur YouTube au moins une fois par jour (51 %), comparativement à 18 % chez les adultes de 35 ans et plus. Or, les médias traditionnels n'ont pas dit leur dernier mot. La moitié des jeunes de 18 à 34 ans dit consommer des émissions de télévision au moins une fois par jour (presque à égalité avec YouTube). Toujours chez les jeunes, 37 % des 18 à 34 ans écoutent la radio au moins une fois par jour, alors que 34 % écoutent de la musique tous les jours sur un service de diffusion en continu comme Spotify.

L'analyse d'Alain Giguère, président de CROP

«Quand on additionne le streaming sur YouTube et le streaming sur les applications [comme Spotify et Netflix], on dépasse les médias traditionnels. [...] C'est une tendance qui risque de se poursuivre encore plus lourdement au cours des prochaines années.»

Méthodologie

Ces données sont tirées d'un panel web tenu par la firme de sondage CROP, dont la collecte de données s'est déroulée du 12 au 21 août. Au total, 1511 questionnaires ont été remplis par des Québécois, dont un «suréchantillon» de jeunes de 18 à 34 ans. Puisqu'il s'agit d'un échantillon non probabiliste, le calcul de la marge d'erreur ne s'applique pas.