L'écrivain franco-américain Martin Gray, survivant du ghetto de Varsovie et auteur du best-seller Au nom de tous les miens, dans lequel il relatait la perte dramatique de ses proches, est mort dans la nuit de dimanche dans sa maison du sud de la Belgique à près de 94 ans.

D'origine juive polonaise, né à Varsovie le 27 avril 1922, il a été «retrouvé décédé dans la piscine de sa seconde résidence à Ciney», petite ville à la lisière des Ardennes dont est originaire sa dernière épouse, selon la justice locale.

«C'est un grand Monsieur qui disparaît. C'est un exemple pour la jeunesse», a confié Jean-Marie Cheffert, le bourgmestre (maire) de Ciney, dont Martin Gray était «citoyen d'honneur» depuis 2013.

Le médecin légiste chargé de l'autopsie «n'a relevé aucun élément suspect», a précisé à l'AFP un porte-parole du parquet.

Martin Gray, qui, selon la presse belge, partageait depuis 2001 son temps entre Ciney et Uccle, une commune cossue de l'agglomération bruxelloise, après avoir longtemps vécu dans le sud de la France, est surtout connu pour son best-seller autobiographique sorti en 1971, Au nom de tous les miens.

Rédigé avec le romancier et biographe français Max Gallo, le livre, lu par des millions de lecteurs et traduit en plus de 20 langues, raconte notamment son expérience du ghetto de Varsovie et son évasion du camp d'extermination de Treblinka, où sa mère et ses deux frères sont morts.

Le jeune homme avait alors rallié le ghetto de Varsovie, où son père était mort dans l'insurrection de la résistance juive au printemps 1943.

Après avoir rejoint l'armée soviétique en 1944, Martin Gray avait émigré en 1947 aux États-Unis, où il fit fortune dans le domaine des copies d'antiquités, avant de rejoindre le sud de la France dans les années 1960.

Mais en octobre 1970, après 10 ans de mariage heureux, le destin le frappe à nouveau: son épouse Dina, 43 ans, rencontrée aux États-Unis, et leurs quatre enfants, âgés de 2 à 10 ans, périssent en essayant de fuir l'incendie de leur maison dans le massif du Tanneron, sur les hauteurs de Cannes. Ce second drame avait également nourri son roman à succès.

«Force de vie»

Il avait créé peu après une fondation Dina Gray, puis un centre international de jeunesse baptisé Arche du futur, pour rendre hommage à son épouse décédée.

Martin Gray «a incarné la tragédie de son siècle dont il a témoigné dans un récit qui a bouleversé le monde et connu un succès mondial», a déclaré la ministre française de la Culture et de la Communication, Audrey Azoulay, saluant en lui «un symbole de résilience».

Au nom de tous les miens, objet de polémiques car certains épisodes auraient été romancés, avait été adapté en 1983 en une fresque filmée de 2h30, puis décliné en téléfilm à succès, avec notamment l'actrice Brigitte Fossey dans le rôle de Dina Gray et Macha Méril dans celui de la mère du héros.

«Martin Gray incarne une des facettes des survivants des camps. Il a aussi survécu à une tragédie qui l'a frappé après la guerre, la mort de sa femme et de ses enfants. Certains ont mis en doute le récit d'Au nom de tous les miens, ce qui n'est absolument pas mon cas», a déclaré lundi à l'AFP l'ancien chasseur de nazis Serge Klarsfeld.

«C'est un personnage chaleureux, qui exprimait une force de vie rarissime. Perdre deux fois sa famille et se retrouver seul, c'est quelque chose d'indicible. Il en est revenu et devant une telle vitalité on s'incline», a souligné Serge Klarsfeld.

Alors que des doutes avaient ressurgi à la sortie du film sur son passage à Treblinka, Martin Gray maintenait qu'il avait bien vécu dans ce camp de la mort.

«C'était comme si ma vie s'était déroulée devant moi. Ça a parfois été une épreuve», confiait-il après avoir visionné le long-métrage réalisé par le Français Robert Enrico (Le vieux fusil).

«Je sens maintenant que ces visages de tous les miens, de ma mère, de mon père, de mes frères, ne resteront plus enfouis dans le passé. Il sont debout, vivants, je sais qu'ils vont marcher à côté de chaque spectateurs».