Quelques réactions de personnalités du milieu des arts à la suite du décès de Jacques Parizeau.

DANY LAFERRIÈRE, AUTEUR DE L'ACADÉMIE FRANÇAISE 

«Je me souviens de ma seule conversation avec lui (à la télé): 

 - Monsieur Parizeau, la question de l'indépendance a-t-elle illuminé ou brûlé votre vie?

Un moment de silence. 

 - Elle a illuminé ma vie, puis l'a brûlée...

En effet, une trop forte lumière brûle... En quittant le studio, ce soir-là, il a reçu une ovation. On est toujours impressionné par un homme qui va jusqu'au bout de sa passion.»

XAVIER DOLAN, RÉALISATEUR, SCÉNARISTE ET COMÉDIEN

«Je n'ai pas eu le privilège de connaître l'époque qu'il a marquée, mais j'aimerais connaître celle qu'un autre, une autre, des autres, marqueront à leur tour. Et on sait bien que cette époque, c'est maintenant qu'il faut la vivre.»

MONIQUE SIMARD, PRÉSIDENTE ET CHEF DE LA DIRECTION DE LA SODEC

«Pour ce grand mélomane et amateur d'opéra, la culture était essentielle, vitale. D'ailleurs, au-delà de son intelligence, M. Parizeau avait aussi un esprit créatif. Sa tête bouillonnait constamment d'idées.»

MICHEL MARC BOUCHARD, AUTEUR ET SCÉNARISTE 

«La franchise est une chose rare en politique. Elle n'est pas de mise, elle ne fait pas partie des habitudes du pouvoir. Exprimer sans détour ses opinions et ses rêves réveille des légions de détracteurs, autant chez les alliés que chez les adversaires. Monsieur Parizeau demeurera un exemple de droiture et de franchise.»

LORRAINE PINTAL, DIRECTRICE GÉNÉRALE ET ARTISTIQUE DU TNM, METTEURE EN SCÈNE

«Je pleure la mort d'un très grand visionnaire qui a rêvé un Québec indépendant et que j'ai eu le privilège de côtoyer au TNM, car il fut membre de notre cercle des grands régisseurs. [...] C'était un très grand homme politique qui croyait à la nécessité des arts et de la culture!»

YVES DESGAGNÉS, METTEUR EN SCÈNE ET COMÉDIEN

«Pour moi, la culture était au coeur du combat de M. Parizeau. [...] La nécessité d'un pays, le seul intérêt d'un Québec souverain, c'est de sauvegarder la culture francophone en Amérique du Nord. C'est le signal qu'il envoyait aux Québécois en devenant ministre de la Culture.»

ANDRÉ MÉNARD, V.-P. ET DIRECTEUR ARTISTIQUE DU FESTIVAL INTERNATIONAL DE JAZZ DE MONTRÉAL

«Jacques Parizeau a transformé la "business" quand il a transformé les politiques de l'ancêtre de la SODEC. Avant ça, même avec un contrat de Télé-Québec ou de Radio-Canada, on n'était pas capable de se faire avancer l'argent par une banque... Je l'avais rencontré après le gala des Artistes pour la souveraineté, au Forum, avant le référendum de 1995, une soirée organisée par Paul Piché que nous avions produite. M. Parizeau avait aimé le spectacle, qui avait donné beaucoup d'énergie au clan du OUI.»

ALAIN SIMARD, PRÉSIDENT DE L'ÉQUIPE SPECTRA

«J'ai connu Jacques Parizeau comme ministre des Finances, au début des années 80. Il connaissait l'économie, bien sûr, mais il comprenait parfaitement les rouages de l'économie de la culture. Quand on recevait 3 millions en commandite de General Motors, cet argent-là venait de Toronto: M. Parizeau savait ce que ça voulait dire. Je l'ai revu fréquemment après sa carrière politique, car il assistait souvent, avec sa femme, à des spectacles de nos festivals, des FrancoFolies surtout.»

GUY A. LEPAGE, ANIMATEUR ET COMÉDIEN

«Quand tu veux faire un pays, c'est le fun d'avoir des gens qui défendent la culture, le peuple, mais il faut des gens qui défendent les institutions, qui veulent en construire, qui veulent prouver que c'est économiquement possible. Jacques Parizeau, ce que je retiens de lui, c'est qu'il est probablement le deuxième Québécois le plus important à décéder avec René Lévesque et sûrement l'économiste le plus valable des 40 dernières années. Ces deux hommes auraient pu mener une vie pépère de ministre, mais ils ont préféré prendre du recul, fonder un parti. Ils ont préféré sacrifier une partie de leur vie à défendre leur peuple et à espérer un pays. Le soir du référendum, il a eu une phrase malheureuse sur le vote ethnique, c'était mauvais perdant et ça l'a suivi le reste de sa vie, mais sur l'argent du fédéral, les commandites, l'histoire lui a donné raison.»

LOUIS HAMELIN, ÉCRIVAIN 

«Trois ans après sa démission, j'ai croisé Monsieur Parizeau dans le hall d'un théâtre où Marie Chouinard donnait un spectacle. Il était seul et faisait les cent pas, les mains derrière le dos. Évidemment, personne n'osait l'aborder. Mais personne non plus pour le saluer, même de loin, pour échanger ne serait-ce qu'un sourire de connivence. Sa seule présence provoquait une gêne évidente. Les gens évitaient de le regarder. Une image de pestiféré. J'ai vu une grande solitude autour de lui ce soir-là. Dans la province du tutoiement obligatoire, la "classe" de Monsieur Parizeau passait mal auprès d'un peuple qui a toujours été porté à confondre intelligence et arrogance. L'insécurité collective ne se reconnaissait pas dans la confiance rusée de ce géant de l'État québécois.»

EMMANUEL BILODEAU, COMÉDIEN ET HUMORISTE 

«J'ai connu Monsieur Parizeau de façon plus personnelle, en 1986, quand il m'a enseigné les finances publiques à la faculté de droit de l'Université de Montréal. J'ai aussi à ce moment eu la chance de passer deux heures dans son bureau pour une entrevue au journal étudiant. J'ai été fasciné par sa rigueur, sa vision hors du commun et son respect des Québécois; c'était un immense bâtisseur, pédagogue et vulgarisateur hors pair. À la fin des années 60, l'arrivée de cet économiste fédéraliste faisait dire aux péquistes: "C'est la crédibilité qui nous tombe du ciel"... Nous avons donc perdu une partie de notre crédibilité. Il était très critique à l'égard de ceux qu'il aimait... Dont les péquistes! J'adorais ses coups de gueule qui provoquaient des remous à coup sûr... et qui faisaient évoluer le Québec et le PQ à chaque fois!»

MATHIEU DENIS, RÉALISATEUR (CORBO, LAURENTIE)

«C'est un personnage duquel j'ai un point de vue contrasté. C'est un homme d'une autre époque, issu du cours classique, ce cheminement très particulier qui a disparu, emblème d'une élite de la société québécoise francophone et à ce titre, j'ai l'impression qu'il a rempli toutes les promesses qu'on voulait bien accorder à cette partie de la société. Mais c'est sûr que, malheureusement, sa carrière et sa vie vont toujours être en partie entachées par ses déclarations à la défaite du référendum de 1995. J'ai l'impression qu'il s'est aliéné une partie de la population qui aurait pu être intéressée par l'idée de la souveraineté. Ce serait malhonnête de ne l'associer qu'à cela, car sa carrière est vaste et couvre des décennies. C'est un homme politique de grande qualité, qui a eu en même temps un impact positif et négatif, c'est ce que je conserve. Je reconnais aussi la qualité de son engagement: il s'est plongé corps et âme non seulement dans les services publics, mais dans cette idée de souveraineté. Ce que j'ai de la difficulté à retrouver dans le monde politique d'aujourd'hui, c'est quelqu'un dont les ambitions personnelles sont vraiment secondaires. Il s'est battu pour la collectivité, il ne cherchait pas son enrichissement et son avancement personnels.»

VLB, LE DISSIDENT 

L'écrivain Victor-Lévy Beaulieu a décliné notre demande d'entrevue «par respect pour Monsieur Parizeau et Madame Lisette Lapointe». «C'est le silence aujourd'hui, pour moi. Depuis ce matin, j'ai entendu trop d'hypocrites, de fraudeurs, d'escrocs et autres qui ont tout fait pour détruire M. Parizeau et la société québécoise pour que j'accepte que mon nom soit accolé à leurs noms dans votre journal. Je pense la même chose de ces artistes québécois, indépendantistes notoires, la plupart aussi arrivistes que les politiciens, qui courent à Ottawa pour recevoir une décoration ou de l'argent, qui vont chanter le 1er juillet à la fête du Canada. Ces gens-là devraient avoir le bon sens de fermer leur gueule ou d'essayer de se recueillir plutôt que de dire des conneries.»

- Propos recueillis par Luc Boulanger, Chantal Guy, Daniel Lemay et Hugo Pilon-Larose, La Presse