Le gouvernement Charest souhaite empêcher le saccage et la dégradation des bijoux du patrimoine.

En vertu d'un projet de loi présenté jeudi, les propriétaires de biens patrimoniaux classés seront dorénavant clairement responsables d'assurer leur préservation. Ceux qui les négligent ou exécutent des travaux sans autorisation seront punis plus sévèrement. Une police du patrimoine sera même mise sur pied.La ministre de la Culture et des Communications, Christine St-Pierre, a déposé à l'Assemblée nationale une refonte complète de la Loi sur les biens culturels, qui a été adoptée en 1972 et n'a subi de changements majeurs qu'une seule fois, en 1985.

Cette loi «est difficile à appliquer et trop facile à contourner», a souligné Mme St-Pierre en conférence de presse. Le Projet de loi sur le patrimoine culturel a quant à lui «plus de mordant» et permettra d'intervenir «plus rapidement et avec beaucoup plus de force».

Autorisation requise

Il prévoit que le propriétaire d'un bien patrimonial «doit prendre les mesures nécessaires» pour assurer sa préservation, une obligation qui est plutôt floue actuellement. «Nul ne peut, sans l'autorisation du ministre, altérer, restaurer, réparer, modifier de quelque façon ou démolir en tout ou en partie un bien patrimonial classé», ajoute le projet de loi. Désormais, le propriétaire qui veut obtenir une autorisation - dont les formalités sont simplifiées - devra payer les frais liés à l'étude de sa demande.

Québec pourra exiger une ordonnance de la Cour supérieure pour faire cesser des travaux illégaux ou faire exécuter, aux frais du propriétaire, les travaux nécessaires pour préserver la valeur patrimoniale d'un bien classé. Si le propriétaire n'obtempère pas, la Cour peut autoriser Québec à faire les travaux, et «le ministre peut prendre une hypothèque sur le bâtiment», a dit Mme St-Pierre. Québec pourra aussi protéger un site ou un immeuble menacé qui serait susceptible de présenter une valeur patrimoniale.

Les propriétaires délinquants seront passibles d'amendes allant de 2000$ à 190 000$ pour une personne physique et de 6000$ à 1 140 000$ pour une personne morale. La somme peut doubler, voire tripler en cas de récidive. La loi actuelle prévoit des amendes de 625$ à 60 700$. Les sommes recueillies seront versées dans le Fonds du patrimoine culturel.

Québec créera une équipe d'inspecteurs dotés de pouvoirs d'enquête importants. Ils pourront «pénétrer à toute heure raisonnable sur les lieux d'un bien patrimonial, d'un site archéologique ou d'une aire de protection et y faire les fouilles et les travaux d'expertise requis». Leur champ d'intervention s'étend aux «biens susceptibles de présenter une valeur patrimoniale, en vue d'établir s'il existe une menace réelle ou appréhendée qu'il soit dégradé de manière non négligeable».

Christine St-Pierre a indiqué que son ministère est toujours en pourparlers avec le promoteur du projet Marianopolis, de qui Québec a exigé des modifications. Il s'agit de la transformation de l'ancien collège des prêtres sulpiciens, sur le mont Royal, en complexe résidentiel de luxe. Québec étudiera en outre le cas de la maison où a grandi René Lévesque, à New Carlisle, en Gaspésie, que son propriétaire a négligée.

Québec reconnaîtra en outre des éléments du «patrimoine immatériel» - des pratiques traditionnelles comme les chants de gorge inuits et les ceintures fléchées - et créera la nouvelle désignation de «paysage culturel patrimonial». Les municipalités auront plus de pouvoirs pour protéger leur patrimoine. Il existe plus de 800 biens et sites patrimoniaux classés ou reconnus par Québec. Le projet de loi fera l'objet d'une consultation en commission parlementaire.