Dimanche, Javert et Valjean vont se toiser pour la dernière fois sur la scène du Capitole de Québec et, quand le rideau tombera sur la saison des Misérables, plus de 87 000 personnes auront vu la première production entièrement québécoise du drame musical inspiré de l'oeuvre de Victor Hugo.

Pour le Capitole, le départ des «Miz» marque à la fois la fin de la programmation du 400e - en décembre, le théâtre centenaire (1200 places) présente le show Seventies de Sylvain Cossette - et le passage en mode «projet» qui, après le processus multipartite d'approbation, pourra déboucher sur la réalisation d'un plan de rénovation et d'agrandissement de l'ordre de 50 millions.

 

«Je veux faire du Capitole de Québec une destination de prestige», dira Jean Pilote, propriétaire unique de l'hôtel-théâtre-restaurant depuis qu'il a racheté les actions de Guy Cloutier en 2002.

Le «projet Pilote», présenté récemment en audience publique, comprend l'agrandissement de l'hôtel de 40 à 117 chambres; l'aménagement d'une nouvelle salle multifonctionnelle de 500 places au sous-sol; trois nouveaux restaurants; un étage spa/conditionnement/piscine; un bar-terrasse; un stationnement souterrain de 100 places; et une quinzaine de résidences de luxe aux étages supérieurs.

Pour le patron du Capitole, ces condominiums représentent, avec un apport immédiat de l'ordre de 15 millions, la clé financière d'un projet qui, une fois terminé, transformera sensiblement le modèle économique de son affaire.

«Nos activités présentes ne nous permettent plus de progresser dans la production de spectacles. En augmentant nos revenus périphériques, on se donne la possibilité de présenter des spectacles plus élaborés où il nous suffira d'atteindre le seuil de rentabilité.» À titre indicatif, Pilote souligne que le «plateau» des Misérables - la rémunération des chanteurs, musiciens, artisans et techniciens de scène - coûte 28 000 $ par jour, la production devant faire ses frais à son retour à l'affiche, le printemps prochain.

Le nouveau Capitole a déjà reçu le feu vert des deux instances les plus importantes pour les questions de patrimoine bâti: le ministère de la Culture du Québec et la Commission de conservation et d'urbanisme de Québec.

Autre appui de taille: celui du maire de Québec, Régis Labeaume, qui voit pour sa «ville du futur» une économie basée sur la créativité dans les champs de l'innovation technologique et de la culture.

«Les entrepreneurs culturels sont rares, explique M. Labeaume. Quand une ville comme Québec a la chance de compter sur des gens qui, comme Jean Pilote et Robert Lepage, sont prêts à prendre des risques, il faut s'en occuper. Si j'ai déjà annoncé mes couleurs pour le projet du Capitole, c'est que, comme homme d'affaires, je sais combien il est difficile de financer un projet de cette envergure. Je voulais que les investisseurs éventuels sachent que le premier magistrat l'appuyait.»

À cet égard, M. Labeaume se dit même prêt à se prévaloir d'un article de la loi pour soustraire le projet à un référendum que pourraient demander les résidants de ce secteur de la Cité, une cinquantaine de personnes tout au plus. La dérogation de zonage porte sur le nombre d'étages: le règlement en permet huit tandis que les plans en prévoient dix, les quatre derniers réservés aux condos... sans lesquels le plan tombe à l'eau.

L'autre aspect «sensible» touche l'architecture. Le Capitole est classé historique dans sa totalité (façade et intérieur) tandis que la façade de l'édifice adjacent, qui recevra les agrandissements, est considérée «d'intérêt patrimonial»; il s'agit de l'ancien YMCA, vide depuis presque 30 ans.

«Pour ces questions, dira Jean Pilote, je m'en remets aux experts du Ministère et de la Commission d'urbanisme qui penchent vers une facture plus contemporaine qui, tout en s'intégrant aux éléments historiques, doit refléter l'architecture du moment.»

Le maire Labeaume aussi s'en remet à ses services d'urbanisme. «Ce ne sont pas des doux: si ça avait été dessiné en colon, ils auraient dit non. Ce projet va mettre du beau dans le dernier coin de la place d'Youville qui est laid et amener des résidants dans un secteur où on a déjà songé à engager des figurants pour montrer qu'il y avait de la vie...»

Quant à la mission culturelle du Capitole, elle s'intègre parfaitement dans la vision du maire. «La culture, ce n'est pas juste important, c'est économiquement essentiel.»