Marilyn Manson a prospéré en rockeur gothique et antéchrist superstar dans les années 1990. À l'aube de la cinquantaine, sa vision est toujours aussi violente, mais il a trouvé un véhicule musical beaucoup plus subtil: le blues.

The Pale Emperor, le premier album de Marilyn Manson en trois ans, est sorti mardi. Il s'éloigne de l'agression brûlante des guitares et des accords mineurs synthétisés qui l'ont aidé à se définir et à faire de lui l'une des vedettes les plus controversées du rock.

La pièce d'ouverture du nouvel album, Killing Strangers, commence avec le son sourd de la basse et de la batterie si cher aux fans de la première heure, mais il est immédiatement suivi par une guitare qui emprunte davantage aux bluesmen du delta du Mississippi qu'au heavy metal, inspiration traditionnelle de Manson.

Mais les deux genres musicaux ne sont pas si éloignés que ça, puisque Black Sabbath, pionniers du heavy metal, ont créé leur son en s'inspirant fortement du blues.

Manson a atteint un nouvel équilibre dans des chansons comme The Mephistopheles of Los Angeles ou Cupid with a Gun, où l'expression de la mélancolie du blues se frotte à la noirceur caractéristique du métal de la section rythmique.

Manson avait affirmé, lors d'entrevues précédant le lancement de The Pale Emperor, avoir été attiré par l'aspect rêche du blues, et qu'il voulait chambouler sa musique pour son neuvième album.

«Le redneck en moi s'exprime par ma voix, et c'est rempli de vieux blues mélangé à des éléments de hard rock purs», précisait Manson, qui a grandi dans une famille ouvrière de l'Ohio (nord), dans un entretien au magazine britannique spécialisé dans le métal Kerrang.

Expliquant qu'il voulait préserver les aspects les plus marquants de sa musique, le chanteur qui apprécie l'aspect choquant de son oeuvre craignait également d'être devenu trop prévisible.

«S'il n'y a pas de chaos, les choses deviennent linéaires. Il est toujours nécessaire que quelqu'un vienne anéantir le plan de match que tout le monde utilise», disait-il au magazine.

Plus d'atmosphère de cirque 

Du chaos, Manson en a semé beaucoup au cours de sa carrière. La tournée de son album Antichrist Superstar (1996) était pleine de colère et de passion. Manson, maquillé comme un personnage de film d'horreur, avait scandalisé bon nombre de chrétiens en déchirant des pages de la Bible sur scène.

Le chanteur avait été très critiqué en 1999 après la fusillade du lycée de Columbine (Colorado, ouest) où les deux jeunes tireurs avaient mentionné être fans de sa musique. Marilyn Manson, qui avait affirmé que sa vision sur les religions était inspirée par Nietzche, s'était rapidement distancié du massacre et avait insisté sur le fait que la société américaine avait besoin d'un bouc émissaire.

Le chanteur, qui vient de fêter ses 46 ans, n'a pas changé sa vision du monde. Dans le morceau Killing strangers, il s'attaque encore une fois à l'hypocrisie de la société dans la condamnation sélective de la violence. «Nous tuons des étrangers pour ne pas tuer ceux que nous aimons».

Sa vision en matière de théologie refait surface dans The devil beneath my feet, où il chante «Je ne veux pas de ton Dieu et de son pouvoir suprême», et «Je n'ai pas besoin de quelqu'un qui me regarde de haut».

Il a expliqué avoir forgé son personnage du fait de son enfance dans une famille chrétienne d'apparence ordinaire mais où il espionnait son grand-père s'éclipsant pour satisfaire ses besoins en matière de pornographie zoophile. Manson était très proche de sa mère, dont la mort l'an dernier l'a beaucoup affecté.

Avec sa musique réduite à l'essentiel, Manson a laissé entendre que son personnage excentrique pourrait prendre sa retraite. «Cet aspect P.T. Barnum (créateur de cirque et de spectacles de «monstres», NDLR) de Marilyn Manson s'est en quelque sorte évaporé», a-t-il dit à Rolling Stone.