Cette semaine, émoi dans la communauté artistique et médiatique: selon les résultats de l'Enquête sur la fréquentation des spectacles au Québec en 2007, publiée par l'Observatoire de la culture et des communications du Québec, l'assistance aux spectacles de chanson anglophone (1,1 million) a dépassé celle des spectacles de chanson francophone (un million), une première depuis le début de ces enquêtes en 2004.

Que cela ne soit pas exactement une bonne nouvelle, on le conçoit. Maintenant, peut-on juste se calmer le pompon, mettre les choses en perspective et se rappeler que cette situation a pratiquement toujours existé depuis les années 70 et qu'on n'en est pas mort?

 

Peut-on souligner que l'Enquête n'existait pas avant 2004, mais que je peux vous jurer, à vue de nez, qu'il y a eu, dans les années 90 et au début des années 2000, pas mal plus d'assistance aux spectacles de chanson anglophone que francophone, tant notre musique n'attirait pas les foules, à cette époque.

Ensuite, peut-on rappeler qu'en 2007, il n'y a pas eu de mégaspectacles d'artistes francophones mégavendeurs de billets comme les Cowboys fringants: c'est le 30 décembre 2006 (et le 30 décembre 2003) qu'ils ont rempli à craquer le Centre Bell. Tout comme en cinéma québécois, les chiffres d'assistance en chanson francophone sont toujours à la hausse quand il y a deux ou trois «blockbusters» qui gonflent les chiffres - en 2007, il n'y en a pas eu.

Enfin, peut-on mentionner qu'on s'est plaint pendant plusieurs années que «les gros shows ne passent plus par Montréal, Montréal est devenu un marché secondaire pour les artistes américains, eh que c'est dommage...» Les gros shows sont revenus, les amis. On va pas se plaindre qu'il y en a trop, maintenant?

Car savez-vous qui a joué au Centre Bell en 2007, chaque fois devant 15 000 à 20 000 personnes - et je ne mentionnerai que les plus gros spectacles? The Police (trois soirs), Justin Timberlake (deux soirs), Beyoncé Knowles, Stevie Wonder, Christina Aguilera, Bon Jovi (deux soirs), White Stripes, Daft Punk, The Killers, Rihanna, My Chemical Romance... et je vous évite la liste des Styx, Slayer, Def Leppard et autres groupes «légendaires» qui y sont passés, sans oublier Gregory Charles et son spectacle I Think of You (trois soirs). Et comment passer sous silence ce qui fut «l'événement» Arcade Fire, jouant cinq soirs archipleins à la Fédération ukrainienne...

Quand on regarde cette liste - qui, je le répète, est fragmentaire -, savez-vous ce qui me frappe, savez-vous ce qui me rend fière? C'est que, malgré tous ces gros noms, les artistes de chanson francophone ont attiré un million de spectateurs (contre SEULEMENT 1,1 million pour la chanson anglophone). On peut trouver ça «préoccupant». Moi, je trouve ça extraordinaire.

Bien sûr, cela a eu des effets malheureux sur le nombre de spectacles québécois présentés, le nombre de représentations et les revenus de la billetterie. Bien sûr, les ventes de CD qui chutent et les conséquences sur l'industrie du spectacle n'enchantent personne.

Mais je le répète, devant la qualité des spectacles anglais présentés au Québec en 2007, c'est admirable comme les francophones ont bien tiré leur épingle du jeu. Et avec infiniment moins de moyens de production. Dans une ère où tout le monde raffole de l'«événementiel» et des effets spéciaux à profusion, c'est fabuleux que des spectacles faits simplement avec des musiciens et des chanteurs francophones qui n'ont pas les moyens de se payer de «super projections sur écrans courbes tout en se promenant sur une scène comprenant des bars» (c'était le cas pour Timberlake) aient attiré autant de spectateurs.

Qu'ajouter? Que 2008 va peut-être témoigner du phénomène inverse. Après tout, les huit représentations de Céline Dion au Centre Bell devant quelque 20 000 personnes chaque soir, ça va bien compter pour quelque chose. Ne reste qu'un petit problème à régler: le spectacle de Céline, on le considère comme français ou anglais?