Sauf quelques gouttelettes venues nous agacer très légèrement à quelques minutes de la fin, les conditions atmosphériques ont été on ne peut plus propices à ce concert et spectacle sous le thème des Mille et une nuits.

Pas moins de 32 400 personnes se sont rendues hier soir sur l'Esplanade du Stade olympique, afin d'assister à cette représentation offerte gratuitement par l'OSM sous la direction de Kent Nagano, de concert avec le cirque Éloize et le comédien Emmanuel Bilodeau - qui célébrait en grand son anniversaire, pour employer un euphémisme.

Les chemises blanches des instrumentistes de l'OSM et le veston immaculé de leur chef contrastaient avec la brunante, faisant d'abord résonner les cuivres prévus dans la Fanfare de La péri, extraite d'une oeuvre de Paul Dukas, typique de l'aube de la modernité française. Le narrateur amorçait alors le fameux récit de Shéhérazade, des artistes circassiens déployaient un premier numéro devant l'orchestre, chorégraphie de chaises et de cerceaux retransmise en direct sur deux écrans latéraux.

Tout au fond, le public pouvait-il voir et entendre quelque chose de relativement intelligible? Près de l'orchestre, en tout cas, on se disait que l'amplification de l'orchestre favorisait clairement les cuivres, mais que les couleurs plus subtiles des cordes pouvaient se perdre parfois dans le son d'ensemble, que la grande exécution symphonique était exclue et... qu'il était à peu près impossible de faire mieux dans un tel jardin «bétonique».

Shéhérazade, ouverture de féerie, de Maurice Ravel, et Syrinx pour solo de flûte de Claude Debussy dont le thème a marqué l'imaginaire occidental, seront aussi parmi les toiles de fond de cette activité relativement prévisible des artistes du cirque Éloize, quelque part entre la danse contemporaine et l'acrobatie spectaculaire.

À la 70e nuit, nous indique le narrateur, Shéhérazade raconte les sept voyages de Sinbad le marin à Shahryar, roi de Perse qu'elle se doit de tenir en haleine, à défaut de quoi il pourrait la faire exécuter. Composé par le Russe Rimski-Korsakov, le premier mouvement de l'oeuvre centrale au programme évoque ce fameux conte. Les circassiens deviennent marins de l'Orient et se prêtent à de jolis numéros de danse, jonglerie, acrobaties aériennes avec corde lisse.

Le deuxième mouvement de Shéhérazade est précédé d'une improvisation de clarinette pendant que le narrateur évoque d'autres personnages des Mille et une nuits: le fameux génie et le non moins fameux Aladin. Ce mouvement est amorcé par le thème mélodique du violon solo, harmonisé par la harpe, incarnant Shéhérazade qui plonge le tyran dans le conte de Kalender.

Le thème mélodique du prince conquérant est successivement campé par le basson, le hautbois, les sections de cordes, puis l'orchestre dans son ensemble. Ce mouvement se transforme progressivement en montée dramatique, pendant que les artistes du cirque se consacrent à des numéros athlétiques, forts en testostérone, dont un très difficile sur cadre aérien.

Le public applaudit ces prouesses, on se dirige vers le troisième mouvement, certes le plus doux, le plus lent et le plus délicat des quatre que ponctuent entre autres la clarinette et la flûte. Le narrateur aborde ici un épisode animalier de Shéhérazade, on assiste à une procession d'hommes et de femmes déguisés en bêtes. Les artistes s'immobilisent de chaque côté de la scène pendant qu'une artiste épate la galerie avec un séduisant numéro de cerceaux.

La flûte debussyenne resurgit alors et sert la conclusion de la narration, réflexion au sujet de la victoire subtile et non violente de Schéhérazade sur la brutalité de son tyran après l'avoir tenu en haleine à travers ses mille et une histoires palpitantes.

Sorte de synthèse des procédés orchestraux et thèmes mélodiques de l'oeuvre, dont les tracés n'ont cessé d'évoluer depuis leur introduction, le quatrième mouvement accompagne un crescendo de numéros de production circassienne, dont une superbe séquence de contorsionnisme.

C'est la fête en Orient, aussi à Montréal... c'est parti pour la Virée classique.