Chaque semaine, un musicien parle des chansons qui ont bercé sa vie. Cette semaine: Marie-Ève Munger.

AUJOURD'HUI MARIE-ÈVE MUNGER

Une chanson qui lui rappelle son enfance: Vogue de Madonna

«Sincèrement, je pense que mon enfance a surtout été baignée de Madonna, à danser dans le salon toute seule sur Vogue. [...] Je chantais aussi dans le choeur de ma mère à 5 ans - elle était chef de choeur - et j'ai commencé à faire des concours à 8 ans. Je chantais du Ginette Reno, du Mireille Mathieu... Pendant mon parcours pop, je me considérais comme une alto. Quand j'ai eu mes premiers cours de chant, j'étais un peu surprise, et même déçue, d'apprendre que j'étais soprano. [...] J'aime ça, les grosses voix charnues.»

L'oeuvre qui lui a donné le goût de l'opéra: Suor Angelica de Puccini

«Au Saguenay, à l'époque, il y avait un programme juste en chant classique au cégep [d'Alma]. La deuxième année, on avait un super prof de chant qui montait des productions d'opéra avec les étudiants. On a monté Suor Angelica. Et c'est moi qui ai chanté Suor Angelica. C'est encore très précis dans ma mémoire: le soir de la première, j'étais en train de mourir sur scène à tout donner en chantant ¡Sálvame!¡Sálvame! [elle chante]. Tout à coup, j'ai eu une épiphanie. J'ai réalisé la force viscérale de l'opéra et à quel point ça réunissait toutes les formes d'art.»

Le rôle qui lui semble fait pour elle: Ophélie dans Hamlet d'Ambroise Thomas

«Je me préparais pour les auditions et les concours quand je finissais ma maîtrise [à l'École de musique Schulich de McGill] et il y a un rôle que j'ai appris qui m'allait comme un gant. C'était celui d'Ophélie dans Hamlet d'Ambroise Thomas. C'était le rôle dont je me disais: "Si, dans ma vie, je réussis à chanter ce rôle-là..." Et le premier contrat que j'ai eu en Europe, c'était pour chanter Ophélie. [...] Il m'a suivie depuis 10 ans et j'ai eu la chance de commencer avec mon rôle de rêve.»

Une interprétation qui l'a marquée: Evelyn Herlitzius dans Elektra

«Le moment où j'ai eu un coup de coeur pour une interprétation, j'étais sur scène. J'ai chanté dans Elektra, dans la production de [feu Patrice] Chéreau. Celle qui chantait Elektra, Evelyn Herlitzius, c'était une bête sauvage sur scène. Une implication complète. Les gens réagissaient de la même façon à Milan, à Aix, à Barcelone : quand elle rentrait sur scène pour saluer, les gens devenaient fous. Parce qu'elle avait tout donné. Ce n'est pas nécessairement dans la perfection, mais, au final, on transmet une émotion...»

L'air du Roméo et Juliette de Gounod qui la fait particulièrement vibrer

«L'air qui est vraiment le tournant de tout l'opéra, c'est l'air de la potion, à la fin de l'acte IV. Ce moment où Juliette se retrouve toute seule et où elle hésite avant de décider de tout quitter et de fuir avec son bien-aimé... C'est une espèce de miniscène de folie. C'est un moment théâtral très fort et la musique est très intense. C'est un moment où tu peux tout donner.»

L'air qu'elle a en tête en ce moment: Des airs de Zerbinetta dans Ariadne auf Naxos

«C'est surtout Zerbinetta qui me roule en tête en ce moment [NDLR: elle tiendra ce rôle dans Ariadne auf Naxos à l'Opéra de Lausanne l'an prochain]. C'est un de ces opéras très difficiles à apprendre, c'est de la musique super compliquée. C'est très verbeux; il y a beaucoup de texte. C'est le genre de truc que tu ne peux apprendre... J'apprends vite, mais pas à ce point-là. Tu dois t'y prendre d'avance pour avoir la fluidité et la liberté. J'ai des bouts qui me repassent dans la tête des fois, deux ou trois mesures en boucle... C'est toujours ça quand j'apprends un nouvel opéra : je sifflote des bouts sans arrêt.»