Lundi soir à New York, Yannick Nézet-Séguin dirigera l'orchestre du Metropolitan Opera afin de soutenir la mise en scène, signée François Girard, du Parsifal de Wagner. Voici pourquoi il s'agit d'un événement.

Le testament de Richard Wagner

Richard Wagner (1813-1883) voyait en Parsifal un «festival scénique sacré» réparti sur trois actes, véritable oeuvre-testament dont la durée frôle les cinq heures. Cet opéra fut créé le 26 juillet 1882 au Festival de Bayreuth, en Allemagne. La trame narrative s'inspire de l'épopée médiévale Parzival de Wolfram von Eschenbach et de Perceval ou le Conte du Graal de Chrétien de Troyes. Ainsi, la pureté et l'innocence de Parsifal avaient été protégées par la bulle maternelle, mais le héros finit par se frotter au mal dans la quête épique du Graal. Wagner y suggère moult réflexions métaphysiques, ésotériques, se faisant aussi l'écho d'une mystique multiconfessionnelle. Musicalement, Parsifal est un vaisseau lourd qui fend les eaux, impose sa loi: «Il faut bien en saisir le rapport au temps. Il faut savoir en accepter la longueur des phrases, des lignes mélodiques, des actes. Tous ces éléments font partie d'une même respiration organique», a déjà souligné Yannick Nézet-Séguin à ce titre.

La mise en scène de François Girard

Pour l'Opéra de Lyon, François Girard a monté Parsifal en 2012, puis en 2013 au Metropolitan Opera House de New York. Sa mise en scène jette un éclairage neuf sur une oeuvre monumentale: en créant des environnements évoquant enfer et dystopie, en imaginant une chevalerie contemporaine, en conférant au mythe wagnérien une esthétique extrêmement raffinée tout en gardant intact le récit originel, l'artiste québécois se trouve au coeur du contenu narratif et sonore de Parsifal. Fruit de plusieurs années de travail rigoureux et de peaufinage extrême, cet opéra est considéré par François Girard comme le travail le plus difficile de sa carrière, ce qu'il a souligné à quelques reprises déjà.

Un «sommet de l'art total», selon Nézet-Séguin

Avec l'Orchestre Métropolitain, Yannick Nézet-Séguin a présenté en août dernier une version concert de Parsifal, qu'il considère comme le plus haut sommet atteint par l'«art total» au XIXe siècle. Parsifal est le troisième opéra auquel se consacre le maestro québécois: jusqu'à une période récente, il souhaitait réserver Parsifal pour ses «vieux jours», c'est-à-dire après avoir dirigé tous les autres opéras de Wagner en respectant l'ordre chronologique de leur composition et de l'écriture du livret. Le destin en a décidé autrement: au cours des cinq dernières années, le chef a dirigé Le vaisseau fantôme quelques fois (Rotterdam, Vienne, New York), deux fois Lohengrin, puis Parsifal, d'abord en version concert en clôture du Festival de Lanaudière, sorte de préambule à la production colossale du Metropolitan Opera. «Le chef-d'oeuvre des chefs-d'oeuvre» parmi les opéras de Wagner, martèle le prochain directeur artistique du Metropolitan Opera.

Un événement pour la culture québécoise

Pour la culture québécoise, cette direction de Parsifal menée par François Girard et Yannick Nézet-Séguin au temple absolu de l'opéra en Amérique du Nord est un événement majeur, que l'on peut même qualifier d'historique. Quelques décennies plus tôt, qui chez nous aurait pu imaginer un tel leadership au faîte de l'art opératique? Que deux de nos artistes les plus éminents fassent équipe à New York afin de ficeler l'opéra ultime de Richard Wagner, de surcroît l'une des productions les plus singulières offertes par le Metropolitan Opera, cela marque l'imaginaire.

photo Sara Krulwich, archives the new york times

François Girard a déjà présenté Parsifal au MET en 2013