Depuis 2003, le Festival du monde arabe de Montréal (FMA) a maintes fois invité le plus réputé virtuose et grand réformateur de l'oud au XXIsiècle. Encore en 2017, le surdoué Naseer Shamma demeure cet ambassadeur flamboyant du luth arabe, instrument central d'une immense tradition, musique classique toujours vivante en Orient... et aussi en Occident.

Nouveau chapitre de Naseer Shamma à Montréal? Rencontre symphonique au sommet entre l'Est et l'Ouest. Répertoire classique occidental adapté à l'oud et compositions originales constituent ce programme de l'Orchestre Métropolitain sous la direction d'Airat Ichmouratov, vendredi à la Maison symphonique.

Irakien transplanté en Égypte après avoir refusé de jouer pour le régime du dictateur Saddam Hussein qu'il avait ouvertement critiqué, ce qui lui avait d'ailleurs valu l'emprisonnement avant l'exil, le quinquagénaire vit désormais à Berlin et y poursuit une oeuvre ouverte sur le monde.

«J'aime Berlin pour la vie quotidienne et pour la diversité de la culture qui y est offerte. Je rayonne à partir de là pour ma carrière de concertiste, j'y compose également et je compte ouvrir une quatrième succursale de mon école - après celles du Caire, d'Alexandrie et d'Abou Dhabi. On y enseignera le jeu de l'oud, la musique classique arabe, mais aussi la poésie orientale et d'autres formes d'art issues du monde entier», indique-t-il, joint en Allemagne avant son départ pour le Canada.

«Une culture universelle»

Le musicien et compositeur a maintes fois participé à des concerts de fusion avec différentes cultures mondiales, notamment le flamenco et la musique classique indienne. Place maintenant à l'occidentale: «Ce répertoire, soulève-t-il, fait partie d'une culture universelle. Il me fallait l'investir, car je favorise toujours les expériences interculturelles. Ce n'est vraiment pas la première fois, d'ailleurs; je l'ai fait entre autres avec des orchestres symphoniques à Bagdad et au Caire, etc.»

Au FMA, l'oudiste présentera cinq compositions de son cru pour oud et orchestre, mais aussi des adaptations de fragments d'oeuvres de Mozart (Symphonie no 40 en sol mineur, KV. 550), Rimski-Korsakov (Shéhérazade) et Rossini (Le barbier de Séville).

«Avec l'arrangeur et orchestrateur Akeel Abed Alsalam, j'adapte certains mouvements d'oeuvres classiques occidentales. Nous avons le souci de respecter l'essence de ces musiques en les adaptant. Par exemple, nous n'ajoutons pas de quarts de ton, typiques de la musique classique arabe. Nous devons parfois changer certaines tonalités pour l'oud, mais nous restons fidèles aux oeuvres, pour les mélodies et harmonies.»

La dimension orientale n'est pas laissée pour compte, assure notre interviewé: «Même si les harmonies et l'instrumentation de l'orchestre sont occidentaux, le choix des rythmes comme le 10/8 ou le 7/8 et aussi des mélodies dictées par l'oud confèrent une saveur orientale à ces musiques symphoniques.»

Airat Ichmouratov aux commandes

Maestro de cette soirée avec l'Orchestre Métropolitain, le Montréalais Airat Ichmouratov peut compter sur un bagage solide pour mener à bien ce projet. Natif de Kazan au Tatarstan, de culture musulmane mais non pratiquant, le Québécois d'adoption a grandi en Russie avant de mener chez nous des études supérieures en musique.

Compositeur, clarinettiste chevronné au sein de l'ensemble Kleztory, Ichmouratov pratique la direction d'orchestre depuis plus d'une décennie. Il fut notamment chef assistant auprès de Bernard Labadie pour les Violons du Roy et aussi auprès de Yoav Talmi pour l'Orchestre symphonique de Québec. Compositeur d'orientation postromantique, il a été marqué profondément par la musique russe (Rachmaninov, Prokofiev, Chostakovitch, etc.), mais aussi par les grandes oeuvres écrites au tournant du XXe siècle, à commencer par celles de Gustav Mahler. Récemment, sa première symphonie a été jouée par l'Orchestre symphonique de Longueuil.

Avec Naseer Shamma et l'Orchestre Métropolitain, le rôle d'Airat Ichmouratov consistera à atteindre l'équilibre entre les interventions du soliste et les exécutions de l'orchestre.

«En matière symphonique, pose-t-il, les traditions orientales et occidentales sont très différentes. Chacune défend des langages très précis, ces langages se fondent sur des règles strictes. Mais le dialogue reste possible et j'ai l'habitude des rencontres de ce type; j'ai déjà vécu cette fusion symphonique entre Kleztory et des orchestres symphoniques ou des orchestres de chambre. Ces expériences sont toujours excitantes, ce devrait l'être d'autant plus avec Naseer Shamma.»

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Le concert Oud à l'Ouest - Naseer Shamma & l'Orchestre Métropolitain sera présenté le 10 novembre, à 20 h, à la Maison symphonique.

Photo fournie par le Festival du monde arabe de Montréal

Airat Ichmouratov dirigera l'Orchestre Métropolitain pour ce concert spécial.