Depuis quelques semaines, les nuits de Simon Rivard sont courtes et composées de rêves dans lesquels il lit des partitions musicales. Et pour cause. Le jeune chef d'orchestre de 27 ans n'a eu qu'une semaine de préavis pour se préparer à vivre l'aventure estivale de l'Orchestre de la Francophonie.

Quelques jours avant de reprendre la barre de l'OF qu'il dirige depuis 16 ans, le chef Jean-Philippe Tremblay a dû déclarer forfait pour des raisons de santé. Les 38 musiciens étaient choisis, les programmes des 15 concerts étaient établis. Il fallait trouver un remplaçant de toute urgence. La direction de l'OF a immédiatement pensé à Simon Rivard.

«Je n'ai pas eu le choix de plonger, raconte-t-il dans le Salon vert de la Maison symphonique à l'issue d'un concert qu'il venait de diriger. Pour moi, cela veut dire une vingtaine d'oeuvres à apprendre en un temps record», ajoute celui qui bénéficiait de l'expérience de chef adjoint au sein de l'OF.

La série de concerts qu'offre l'OF cet été comprend six programmes différents. Il s'agit d'un véritable tour de force pour le chef fraîchement diplômé de McGill. 

«Heureusement, je connaissais bien quelques-unes des oeuvres. J'en ai même dirigé une pour une audition.»

Parmi les oeuvres inscrites dans la saison estivale de l'OF, on retrouve la Symphonie no 1 en do majeur de Beethoven, les Concertos pour violon en la et en ré mineur de Bach et le Concerto pour violon en ré majeur, op. 61 de Beethoven. Fidèle à sa tradition, l'OF fera également place à la création. Des oeuvres de Giancarlo Scalia et de Simon Bertrand sont prévues lors de certains concerts.

Créé en 2001, à l'occasion des Jeux de la Francophonie, l'Orchestre de la Francophonie a comme mandat de réunir de jeunes musiciens de partout dans le monde et de leur offrir l'expérience d'un orchestre. Ils proviennent cette année de la France, de la Belgique, de l'Australie, du Mexique, de la Jamaïque, des États-Unis et, bien sûr, du Canada.

«Une blind date qui doit marcher»

Simon Rivard n'a pas participé à la sélection des musiciens, mais il a toutefois pris part aux auditions de placement des cordes et des cors. Diriger cet orchestre dans un tel contexte constitue un double défi : non seulement le chef ne connaît pas les musiciens, mais ces derniers n'ont pas l'habitude de jouer ensemble.

«Ça a l'air plus difficile que ça ne l'est, dit Simon Rivard. Il y a un effet d'aimant qui s'opère. Tous les musiciens qui embarquent dans cette aventure veulent jouer ensemble. Tout le monde veut créer un moment spécial. Cela dit, c'est une blind date qui doit marcher.»

Visiblement, la rencontre entre les musiciens a lieu. Simon Rivard évoque le moment magique qui a suivi le premier concert de la tournée, le 7 juillet à l'église Saint-Jérôme de Métabetchouan.

«Faire de la musique ensemble lors d'un concert, c'est pour cela que l'on vit, nous les musiciens. Après la dernière note, lorsque les spectateurs se sont mis à applaudir, j'ai vu une grande fierté sur le visage des musiciens. C'est à ce moment-là que ça a connecté pour tout le monde.»

Une nouvelle direction

La présence de Simon Rivard cet été à l'OF coïncide avec l'arrivée d'un nouveau directeur général, Alexis Pitkevicht. Celui qui assure la gestion de l'Orchestre de la Francophonie et de l'orchestre Appassionata depuis le 16 mai a eu droit à un solide baptême lors de son entrée en fonction.

«En effet, c'était une situation inédite et chargée. Disons que ça forge une expérience. Je crois que Simon et moi avons démontré que nous pouvions être résistants face au stress et qu'on savait gérer l'imprévu», indique Alexis Pitkevicht, nouveau directeur général de l'OF.

Âgé de seulement 25 ans, ce Français formé à Sciences Po est installé à Montréal depuis deux ans. Après un passage à la Guilde des musiciens, il a souhaité aller vers ce qui le passionne le plus dans la vie: la gestion d'une institution culturelle.

«Oui, je suis jeune. Mais en entrevue, c'est ce que j'ai fait valoir. L'OF existe pour les jeunes musiciens, pour la relève. Je leur ai dit de faire la même chose pour leur direction générale. Je suis conscient de la chance que j'ai, car il n'y a pas beaucoup de pays dans le monde qui offrent aux jeunes la chance d'accéder à une telle fonction.»

Maison symphonique

La tournée de l'OF mènera Simon Rivard et les 38 musiciens à Gatineau, Ottawa, Saint-Irénée, Mont-Tremblant, Saint-Eustache, Mont-Laurier et Montréal. L'orchestre se produira également à la Maison symphonique, le 19 juillet, dans le cadre d'un concert au cours duquel on pourra entendre le violoniste Kerson Leong.

Lauréat cinq fois du prix du Concours de musique du Canada, ce musicien originaire d'Ottawa a remporté le premier prix Junior de la Compétition internationale Menuhin à l'âge de 13 ans. Avec l'OF, le virtuose, aujourd'hui âgé de 20 ans, interprétera le Concerto pour violon en ré majeur de Beethoven sur un violon de Crémone conçu par Giuseppe Guarneri en 1729.

«Ça va être un programme explosif. Kerson Leong, c'est du feu sur deux pattes.»

Le programme comprend également la Symphonie en ut majeur de Bizet, ainsi que les créations de Simon Bertrand et de Giancarlo Scalia. Afin de permettre aux familles d'assister à ce concert, les billets sont offerts à un coût minime (20 $ pour les adultes, 10 $ pour les moins de 16 ans et gratuit pour les moins de 6 ans).

Simon Rivard en cinq dates

De 2008 à 2011: baccalauréat en violon au Conservatoire de musique de Montréal.

De 2012 à 2014: responsable du choeur et de l'orchestre du Garage à musique (programme Sistema qui offre des cours gratuits aux enfants provenant de milieux défavorisés).

De 2015 à 2017: maîtrise en direction d'orchestre à l'Université McGill.

2016: nommé chef adjoint de l'Orchestre de la Francophonie.

2017: nommé chef en résidence de l'Orchestre symphonique de Thunder Bay.