Ce soir, Montréal reçoit de la visite rare. Le Boston Symphony Orchestra (BSO), l'un des «Big Five» - terme qui désigne les cinq meilleurs orchestres symphoniques américains -, sera chez nous pour la première fois depuis 1984. À la tête de cette vénérable institution, le chef letton Andris Nelsons, 38 ans, très apprécié des mélomanes et de la critique des deux côtés de l'Atlantique. Il s'est entretenu avec La Presse.

Q: Comment décririez-vous votre collaboration et votre relation avec les musiciens du Boston Symphony?

R: J'en suis à ma troisième saison avec eux. C'est une chance extraordinaire que j'ai, dans ma vie, de diriger l'un des meilleurs orchestres au monde. J'adore les musiciens. Dès notre première rencontre, nous avons eu une merveilleuse relation tant humaine que musicale, qui continue de grandir. Pour moi, l'aspect humain est aussi important que l'aspect musical. Faire de la musique est une question de professionnalisme, mais ça consiste aussi à ouvrir son coeur. Si vous n'avez pas une bonne relation avec vos musiciens, je ne crois pas que vous puissiez créer une musique véritablement honnête et sincère.

Q: Vous avez travaillé de près avec le légendaire Mariss Jansons, qui a été votre mentor. Quelques mots sur cette amitié?

R: J'ai tellement appris de lui, c'est l'un des plus grands chefs d'orchestre. Il m'a énormément appris sur le plan technique, sur le plan musical, mais aussi sur le plan psychologique: qu'est-ce que ça signifie, être chef d'orchestre? Maintenant, nous ne nous voyons plus très souvent à cause de nos horaires, mais à partir de l'âge de 22 ans, et pendant 10 ans, nous nous rencontrions presque chaque mois. Le plus important, c'est d'apprendre comment communiquer avec les musiciens. Je pense qu'un jeune chef d'orchestre peut apprendre beaucoup en assistant à des répétitions et en parlant aux grands musiciens. C'est une école en soi.

Q: Vous allez interpréter la Symphonie fantastique de Berlioz et le Concerto pour piano no 2 de Mozart avec Emanuel Ax comme soliste. Pouvez-vous me parler de ce programme?

R: La Symphonie fantastique est l'une des plus grandes symphonies, et à l'orchestre, nous avons une belle tradition de répertoire français. C'est aussi une oeuvre importante dans l'histoire de l'orchestre, elle a été dirigée par Charles Munch et les autres chefs du BSO. Au sujet de la symphonie elle-même : quand on lit les mémoires de Berlioz, on voit à quel point c'était un être passionné et rendu presque malade par son amour pour l'actrice Harriet Smithson, qui a inspiré cette oeuvre ; et aussi, qu'il était sous l'effet de l'opium. Jamais quelqu'un n'avait composé de cette façon avant lui. Même si on ne connaît pas l'histoire d'obsession que raconte la symphonie, on ne peut pas faire autrement que de l'aimer. Quant à Emanuel Ax, c'est un ami proche de l'orchestre depuis des années, un immense musicien et un homme formidable.

Q: Quels sont vos projets avec le BSO pour les prochaines années?

R: Mon mandat avec l'orchestre se poursuit jusqu'en 2022, et je suis certain qu'il continuera au-delà de cette date. Nous avons une collaboration avec Deutsche Grammophon pour enregistrer toutes les symphonies de Chostakovitch, et je suis fier de dire que nous avons remporté deux Grammy pour nos deux premiers albums de cette intégrale. Nous allons continuer de poursuivre la grande tradition de l'orchestre tout en tenant compte de ce que la nouvelle musique apporte.

À la Maison symphonique, le 4 mars à 20h