Avec son spectacle Le pianiste aux 50 doigts, ou l'incroyable destinée de György Cziffra, le virtuose français Pascal Amoyel rend hommage à l'artiste légendaire qui a été son professeur pendant huit ans, en racontant son histoire dans une formule à mi-chemin entre le récital et le théâtre.

Par un hasard incroyable, quand il était petit, Pascal Amoyel habitait dans le même immeuble où Cziffra avait vécu autrefois. «C'est la gardienne de l'immeuble, en m'entendant faire mes gammes, qui m'a appris cela, raconte-t-il. Elle m'a dit que Cziffra venait de lancer une fondation, et que c'était peut-être mon destin d'aller le rencontrer. Effectivement, c'était mon destin, car c'est grâce à lui que je suis devenu pianiste. À l'époque, je jouais pour le plaisir, j'improvisais, à l'oreille. Je suis allé lui jouer mes improvisations, à lui qui était un des plus grands improvisateurs du siècle. Il m'a écouté avec beaucoup de gentillesse. Ç'a a été le début d'une vraie rencontre.»

Pendant huit ans, Amoyel a continué à voir Cziffra tout en prenant en parallèle des leçons plus régulières avec d'autres professeurs, d'abord à l'École normale de musique, puis au Conservatoire de Paris.

«Cziffra était un professeur extraordinaire, qui parlait assez peu, mais qui était habité par la musique et donnait beaucoup d'exemples en jouant lui-même.»

«Au-delà de ce qu'il disait, il était inconditionnellement musicien. C'était comme un souffle qui nous parvenait, qui transmettait la musique. Quand il jouait, c'était comme si sa vie et son oeuvre étaient liées, et ça m'a beaucoup appris. Finalement, sa pédagogie n'était pas tellement intellectuelle, elle était dans l'ouverture et l'authenticité. Quand vous avez un professeur qui aime partager, c'est déjà gagné. Il mettait beaucoup ses élèves en confiance, il était très positif, il disait souvent que ce qu'on faisait était bien. Il n'y avait pas, entre lui et nous, ce mur entre celui qui sait et celui qui ne sait pas.»

Une vie romanesque

Né en Hongrie en 1921, György Cziffra a eu une vie digne d'un roman, que raconte Amoyel pendant son spectacle.

«J'ai voulu lui rendre hommage en tant que pianiste de légende et en tant qu'homme. À 5 ans, il jouait dans des cirques à Budapest et gagnait déjà l'argent de sa famille», raconte Pascal Amoyel.

«Comme [Cziffra] est Hongrois, il a servi comme soldat sous le drapeau nazi et s'est évadé en volant une locomotive à la Wehrmacht, un épisode que j'illustre dans le spectacle avec des instruments créés pour imiter le bruit du train.»

«[Cziffra] devient ensuite pianiste de bar, c'est là qu'on lui donne le surnom de pianiste aux 50 doigts. Il essaie de s'enfuir de la Hongrie, mais il est attrapé et condamné aux travaux forcés. On lui fait monter des blocs de béton au sixième étage, puis il finit enfin par s'évader pour de bon. Il vient à Paris en passant par Vienne, et connaîtra ensuite une carrière fulgurante.»

Mélange des genres

Pour son spectacle, créé en 2010 et qui a eu beaucoup de succès en France, Pascal Amoyel mélange théâtre et piano. Il a même suivi des cours d'art dramatique pour s'améliorer.

«Je confie au spectateur ce que Cziffra m'a dit, dit-il. C'est toujours émouvant de pouvoir faire ce témoignage. Parfois, je joue mon propre personnage, parfois, je deviens Cziffra. Je joue différentes pièces, du Chopin, du Liszt, du Scriabine et un compositeur contemporain, Olivier Greif, ainsi que des improvisations. C'est très varié. J'en suis à plus de 200 représentations, je n'aurais jamais imaginé que j'en ferais autant. J'ai donné ce spectacle en Suisse, en Espagne, et même en Corée avec des traductions sur un écran. Au Québec, je l'ai fait une fois au Domaine Forget.»

En plus de ce spectacle, Pascal Amoyel donnera aussi un récital en compagnie de sa femme, la violoncelliste Emmanuelle Bertrand, inspiré du peintre Chagall et en lien avec l'exposition Chagall, couleur et musique du Musée des beaux-arts de Montréal.

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Le pianiste aux 50 doigts, 22 janvier, 14 h, à la salle Bourgie

Chagall Suite, avec Pascal Amoyel et Emmanuelle Bertrand, 25 janvier, 19 h 30, salle Bourgie