Cinq ans après les débuts de la Virée classique, on peut dire que son succès ne se dément pas. Ce fut encore le cas le week-end dernier, alors que les ventes de billets ont atteint un record et qu'environ 30 000 personnes ont assisté à un concert ou participé à une activité durant ces trois jours à la Place des Arts, qui fourmillait de monde et d'activité, samedi. En comptant le concert du Parc olympique, la Virée aura attiré 60 000 personnes cette année.

Bien que de nouveaux venus s'initient certainement à la musique classique grâce à la Virée, on peut aussi dire qu'après cinq ans, l'événement peut maintenant compter sur ses fidèles habitués qui attendent chaque édition avec impatience et planifient leur itinéraire de façon à en profiter le plus possible. Tout ce beau monde se mélange dans un tel brouhaha qu'il en devient presque ardu de se frayer un chemin à travers la foule entre les différentes salles.

Les conférences gratuites sur la musique, animées par France Beaudoin à l'Espace culturel Georges-Émile-Lapalme, ont obtenu un succès fou. C'était une belle occasion, pour le public, de poser des questions à Kent Nagano, à Dina Gilbert ou aux musiciens de l'OSM, qui se sont prêtés au jeu avec humour. La petite scène installée sur place a aussi servi à de courts récitals gratuits toute la journée. Quant au nouveau volet extérieur, également gratuit, il avait élu domicile au centre du Complexe Desjardins en raison de la pluie. Là aussi, la foule était nombreuse.

Les concerts

Cette cinquième édition aura permis au public d'entendre notamment le pianiste brésilien Nelson Freire, la violoniste allemande Arabella Steinbacher, le violoncelliste allemand d'origine espagnole Adolfo Gutierrez Arenas, ainsi que plusieurs artistes canadiens, dont Marianne Fiset, Charles Richard-Hamelin et Serhiy Salov.

Notre propre tournée du samedi a commencé avec Nelson Freire dans le Concerto pour piano no 9 dit «Jeunehomme» de Mozart, sous la direction de Kent Nagano. Le pianiste, maintenant septuagénaire, a toujours une excellente technique et joue de mémoire de façon impeccable. Son jeu manquait toutefois d'éclat, d'énergie vitale, et surtout, ne faisait pas vraiment ressortir le lyrisme du mouvement lent, ni l'humour pétillant qui caractérise ce concerto. On sent malheureusement une certaine fatigue ou l'effet de la routine peser sur le grand interprète.

Notre amour du piano a été mieux servi par le Montréalais Serhiy Salov. D'abord sobre mais intelligent dans la Sonate no 14 «Au clair de lune» de Beethoven, en début de récital, il s'est avéré passionnant à écouter dans son propre arrangement de la Nuit sur le mont Chauve, de Moussorgski, et surtout, dans La valse, de Ravel. Son interprétation, d'une grande richesse, déborde de détails, d'idées musicales, d'attaques et d'articulations imaginatives et variées qui captivent l'auditeur, sans compter qu'il possède une technique hors pair et une grande maîtrise des plans sonores. 

Pour tenter de le caractériser comme pianiste, le meilleur mot qui nous vient à l'esprit est «complet».

La Symphonie no 9 de Beethoven, avec l'OSM, fut évidemment grandiose. La voix d'Alexander Tsymbalyuk, basse d'origine ukrainienne, résonne encore dans notre mémoire. C'est un chanteur que l'on aimerait bien entendre dans un rôle à l'opéra. Autre belle surprise de la journée: le violoncelliste Adolfo Gutierrez Arenas, très lyrique dans la Sonate pour violon de Franck et rafraîchissant dans Le grand tango d'Astor Piazzolla. Il pouvait compter une partenaire de talent en Suzanne Blondin, au piano.

La journée n'aurait pas été complète sans une explosion musicale pour conclure en beauté. La Symphonie no 3 «Avec orgue» de Saint-Saëns était parfaite pour remplir ce rôle, apportant une finale satisfaisante à cette 5e Virée, question de tourner la page en attendant l'an prochain.

Photo Bernard Brault, La Presse

La foule était nombreuse, samedi, au Complexe Desjardins, où le nouveau volet extérieur de la Virée classique avait élu domicile en raison de la pluie.